vendredi 1 juin 1990

Alma Mater (6) Un village du Sud


La famille de ma mère est originaire d’un village de Campanie, situé entre Naples et Caserte, distant d’une vingtaine de kilomètres de la métropole parthénopéenne : Santa Maria a Vico, au cœur de l’ancienne "Provincia di Lavoro" (Provincia di Caserta). Ce village est situé dans la vallée de Suessola où se mêlèrent pendant l'antiquité les anciens peuples des Osques, Etrusques, Grecs, Samnites et Latins.
Sans y être né, sans y avoir vécu, j’ai eu le sentiment d’y être retourné comme en un lieu où tout m’était déjà familier, chaleureux comme par un lien de sang.
En toile de fond, formant amphithéâtre autour du village, des montagnes gris-bleu, arides et sèches où croît l’olivier sauvage et que les matins d’été nimbent d’une buée d’éther, se découpent dans l’azur profond, infini, impeccable, où s’engouffre l’espace. 
La « Via Nazionale », l’artère principale, suit le tracé de l’ancienne voie romaine, dont naguère encore les grandes dalles inébranlables affleuraient sous le roulement grave et sonore des charrois reliant Naples à Capoue et Caserte, dans la province de Labour. 
Un village du Sud, écrasé sous un songe d’éternité, dans un paysage qui vit régner Evandre et Janus dans la première œuvre civilisatrice, aux ruelles irradiées de fanions multicolores, de draps blancs comme des voiles appelant la mer toute proche ; escale, départ et royaume à la fois. 
Ici, chaque enfant ressemble à un Dioscure, les traits sculptés dans la matière originelle de l’Epique et du Beau, reflétant les vertus de cette terre d’antique hospitalité sur la quelle s’élevèrent les lois de la Concorde et de l’Harmonie. 
Une touffeur de parfums généreux et alanguis : senteurs de fruits étalés, de carrelage rincé, d’exhalaisons nourricières, se mêle aux voix et aux jappements, dans l’écoulement rieur de la vie. 
Ô terre chérie de l’Eternité, où je retrouve en ton sein l’ardent plaisir d’aimer ; tu procures l’ivresse inestimable du cœur et la douce harmonie de l’âme, celles qui s’abreuvent comme un chant de Virgile, aux sources simples de la joie féconde. 
Des éclairs de rires d’enfants, des brisures d’appels répercutées dans le ressac des ruelles, se mêlent aux éclats réfractés des couleurs de l’été, brillant dans l’air comme des épées de soleil. 
Des treillis de lumière éclaboussant l’ambre chaude des tonnelles, les fruits mûrs emplissant lourdement les corbeilles, les cruches de terre buvant l’onde frémissante des fontaines, et ce sentiment de plénitude reposée où chaque instant, lentement, se love au creux du jour comme une perle d’eau irisée. 
Et chaque minute emporte les flots de ces perles, des millions de molécules éthérées d’où s’épanchent dans un jaillissement d’allégresse, les formes calmes de la vie. 
Reposant sur cette architecture triomphante de la mort, le temps inonde l’esprit des clartés pleines d’ornement d’un matin éternel. 

Honorius/ Les Portes de Janus/

Santa Maria A Vico au pied des montagnes. Au fond le Vésuve

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