S'il est un animal dont le destin est étroitement associé à celui de l'homme, cet autre animal, c'est bien le loup. Il s'agit vraisemblablement d'un cas unique de rapprochement réfléchi et sur le long terme entre deux espèces vivantes pour assurer les conditions de leur survie. Le loup, en effet, a cohabité avec l'homme sur les mêmes territoires de chasse il y a plus de 35 000 ans. C'était à la fin de la dernière ère glaciaire, où l'hémisphère nord de la planète, dans ses régions les plus méridionales, n'était qu'un immense paysage de steppes, de toundras et de forêts boréales, tandis que les régions les plus septentrionales n'étaient que des déserts de glace. Leurs chemins se croisèrent pendant des milliers d'années, sans conflit ni concurrence, si bien qu'ils apprirent peu à peu à se connaître, puis à se respecter. Sapiens comprit qu'il pouvait s'en faire un allié et Lupus comprit aussi l'avantage qu'il pouvait retirer de cette alliance. Ainsi, la cohabitation évolua en association. Sapiens laissa à Lupus des parts de viande près du foyer des camps, et celui-ci en échange le guida sur la piste du gibier. Imaginez les hommes chasser et partager leur nourriture avec les loups! Dès lors, un processus de domestication se mit en oeuvre. Des loups, conscients du bien et des intérêts communs qu'ils avaient à défendre, gardaient les camps contre les prédateurs et lançaient l'alerte en cas de danger. Des louveteaux orphelins furent même recueillis par le clan des humains, nourris au sein des femmes et c'est ainsi que du canis lupus, le loup gris, descendent aujourd'hui toutes les races de chiens. C'est donc à travers le chien que survit depuis des millénaires cette fraternité originelle entre l'homme et le loup.
Le loup n'a cessé de hanter la mémoire de l'homme, ce frère ingrat qui, depuis qu'il se fit agriculteur et éleveur sédentaire, rompit le lien de l'ancienne alliance. Mais Lupus est le miroir de la part sauvage de son hérédité, nichée au plus profond de son inconscient, l'instinct tragique de la survie et de la peur, dans un monde extraordinairement hostile.
Cette mémoire refoulée a nourri un imaginaire commun à toute l'humanité, associé à des fantasmes fluctuants et parfois contradictoires, où le loup incarne à la fois des aspects sombres dont l'origine est sans doute liée aux menaces ancestrales contre le bétail, mais aussi les réminiscences sacrées de l'ancienne fraternité.
Ces différents aspects d'obscurité et de lumière, nous les retrouvons évoqués dans les croyances et les mythologies des civilisations humaines, dont les nombreuses sources historiques permettent d'en appréhender toute la complexité psychologique et la richesse philosophique.
(Principales sources documentaires : Dictionnaire des Symboles 1982/ bases documentaires sur internet).
En voici quelques échantillons:
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Le loup voit la nuit. Il devient alors symbole de lumière, solaire, héros guerrier, ancêtre mythique. C’est la signification qu’il revêt chez les Nordiques (Belen) et chez les Grecs (Apollon lycien). Il est aussi le dévoreur d’Astres des scandinaves, le symbole de la Nuit dont l’aube est la délivrance.
Le créateur des dynasties chinoises est « le loup bleu céleste », et le gardien du Palais Céleste. Il est l’allégorie de l’ardeur et de la force chez les Turcs, l’image de l’ancêtre mythique de Gengis Khan, le loup bleu, la lumière ouranienne, qui s’unit à la biche blanche pour fonder l’origine du monde. Le loup solitaire parcourant la terre, invoqué dans le chant de guerre des Indiens des Prairies, dont il fut un des animaux totem.
Lug, le dieu suprême des Celtes est représenté accompagné de deux loups. D’après certaine thèse linguistique, le mot Leuks (Lug) et Lukwos (qui a donné lupus et loup) auraient une racine pré indo-européenne commune signifiant "brillant" ou "lumière". Dans la mythologie germanique, Fenir, le loup, est celui qui détruira l’ordre du monde.
On le retrouve associé à l’idée de fécondité chez les Romains (La Louve de Remus et Romulus). C'est un loup qui guida la tribu samnite des Hirpini (de l'osque Hirpos, le loup) dans la région de Benevento en Campanie où ils s'installèrent. Dans certaines régions du Japon, on l’invoque comme protecteur contre les autres animaux sauvages. On retrouve également la louve dans la mythologie gréco-latine, comme la nourrice de l’Achéron, un des fleuves des Enfers, fils du Soleil et de la Terre. Bien d’autres exemples sont présents dans le monde antique : la peau de loup portée par Hadès, le Dieu des Enfers, les oreilles de loups du Dieu de la mort des Etrusques, qui prétendaient comme d'autres peuples d'Europe, descendre du loup; c’est aussi Osiris ressuscitant sous forme de loup selon Diodore de Sicile, c’est encore une des formes données à Zeus Lykaios à qui on immolait jadis en sacrifice des êtres humains pour conjurer les fléaux agricoles. Sa symbolique peut être rapprochée de l’ambivalence de Diane, la déesse romaine de la chasse et de la forêt, sœur d’Apollon et donc Déesse aussi de la Lumière, que l’on voit souvent représentée avec Hécate, la Déesse des Enfers et Séléné, celle de la Lune. Plus tard, il fut même associé, dit-on, à la bête de l’Apocalypse. Assurément, il fut parfois l’incarnation du Diable ou du principe maléfique, comme le fut aussi le bouc aux pieds fourchus ou bien le chat, qui comme le loup a le don d’être nyctalope.
Il tient à ce titre une place inquiétante dans l’imagerie du Moyen-âge européen :
Les sorciers se transforment en loups pour rejoindre le Sabbat, il est d’ailleurs la monture du sorcier en Espagne, qui le chevauche à rebours. Il alimente depuis l’antiquité, Virgile en fait déjà mention, et plus tard Pétrone, la croyance aux lycanthropes encore vivace au 17ème siècle en France ; Laisnel de La Salle en a réuni maint exemple dans son ouvrage » Croyances et légendes du coeur de la France ». On se souvient également de la Bête du Gévaudan, qui terrorisa cette région isolée du Languedoc, au 18ème siècle, par une série de crimes horribles que la rumeur crut devoir imputer au loup et qui mobilisa jusqu’à l’attention du Roi et de la Cour.
Le loup est un des aspects que revêtent en Europe les esprits de la forêt, il anime l’esprit infernal du folklore, que l’on retrouve dans le conte du Chaperon Rouge de Charles Perrault où il devint « le grand méchant loup » dont on menace les enfants.
La langue a conservé encore quelques expressions héritées de la mémoire ancestrale du loup : Avoir une faim de loup, un froid de loup, entre chien et loup, faire entrer le loup dans la bergerie, à pas de loup, être connu comme le loup blanc, hurler avec les loups, crier au loup, parlez du loup, il sort du bois...
Il est Amarok, dans la mythologie Inuit, l’esprit du loup, animal géant et solitaire, qui s’associe à l’homme dans sa quête de nourriture en maintenant les troupeaux de caribous en bonne santé par la sélection des animaux faibles et malades. Il est honoré par les peuples amérindiens à divers titres. Les Ojibwas (groupe des Algonquins au Canada) y voient l’initiateur de l’homme à la chasse et du tabou de ne pas tuer le gibier inutilement, il a aussi pour fonction de guider les âmes vers l’autre monde. Cette croyance est partagée par les Nitsitapii ou « Pieds Noirs » (Alberta et Montana), pour qui le loup est le premier initiateur et protecteur des hommes pour leur survie.
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Indiens Atsinas (Gros-Ventres) Montana 1908 |
Dans un de leurs récits mythiques, les loups accueillirent l'homme dans leur meute et le sauvèrent ainsi du froid et de la faim; puis ils disparurent au printemps pour rejoindre le ciel. Depuis cette aventure l’homme nomme la voie lactée « le sentier des loups » (Makoi-Yohsokoyi).
De nombreux peuples amérindiens en font l’ancêtre du clan, l’emblème de la famille. La « danse du loup » est le rite initiatique du passage de l’enfant au statut d’adulte. Les Pawnees (Nebraska, Kansas) emploient le même mot pour désigner l’homme et le loup. Nous voyons ainsi que la mythologie et les coutumes indiennes nous offrent une infinité de témoignages édifiants sur la conception foncièrement positive qu’ils avaient habituellement du loup. Chez ces peuples chasseurs des grands espaces, le loup n’est pas un ennemi mais un complice et un exemple digne de respect, contrairement au populations européennes, qui depuis leur sédentarisation à la fin du néolithique, n’y virent plus qu’un ennemi menaçant leur bétail.
Enfin, nous avons vu que pour les diverses tribus amérindiennes, le loup est l’intermédiaire avec le monde des morts. Cette fonction de psychopompe, qu’il partage d’ailleurs avec le chien, lui était reconnue aussi en Sibérie, par le peuple Yacoute, et en Europe, comme en témoigne ce chant mortuaire roumain :
Paraîtra encore Le loup devant toi…
Prends-le pour ton frère, Car le loup connaît L’ordre des forêts…
Il te conduira Par la route plane
Vers un fils de Roi, Vers le Paradis.
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Quelle que soit la manière positive ou négative de valoriser le loup, il incarne l’esprit sauvage de la nature, mais aussi le temps et l’histoire. Il renvoie l’humanité à cette implacable image de son passé, où elle cheminait elle aussi en horde dans le monde immense et hostile pour survivre. Dans la culture et la psychologie européenne, il symbolise, avec la forêt qu’il hante, les forces de l’inconscient et la peur des révélations qu’elles peuvent faire ressurgir. C’est pourquoi, il est tout aussi bien l’ennemi craint et incompris que le frère initiateur, il nous soumet à l’épreuve de nos craintes, peurs et angoisses refoulées, mais il a de ce fait un message de confiance et de force à nous enseigner, de réconciliation avec soi-même et avec le monde ; car il est le guide intrépide qui avance dans l’adversité. Miroir fascinant de notre âme, il nous observe en secret dans l’ombre de la sylve, dans l’écho des montagnes, inlassablement il nous fuit et nous appelle.
Victime depuis le 18ème siècle de la déforestation massive et de la chasse abusive du gibier par l’homme, le loup fut progressivement privé de ses ressources naturelles de nourriture et contraint pour survivre de s’en prendre aux troupeaux, ce qui motiva la décision de régler définitivement son sort. Une loi de 1882 décida l’éradication définitive du loup. Déjà pourchassé depuis des siècles en grandes battues, il fut traqué sans répit par l’homme avec une haine que n’égala que sa fureur, ses misérables meutes furent exterminées, comme le calamiteux Custer et les siens le firent des dernières tribus des Sioux et des Cheyennes des Grandes Plaines d’Amérique du Nord. Frères spirituels des loups et de tous les êtres vivants, ces hommes superbes n'étaient vus par ces massacreurs que comme une espèce d'animaux nuisibles. Ainsi de même qu’un bon Indien est un Indien mort, comme le proclamait avec conviction le sinistre Custer, de même un bon loup dut toujours être pour l’homme, un loup mort.
J’ai retrouvé un certain Ch. Kretzscmar, qui, dans un ouvrage à l’usage des négociants pelletiers « Les animaux à fourrures » (Chalon sur Saône-1923 ), témoigne de la piètre estime dans laquelle ses contemporains tenaient ordinairement le loup et d’une manière générale le principe de la vie sauvage:
« Corps allongé, thorax bien développé, ventre plat, jambes longues et nerveuses, telles sont les caractéristiques de la plupart des individus de cet ordre...En France, bien que le loup soit devenu très rare, grâce à la chasse acharnée que lui font les louvetiers et aux primes payées par l’État pour sa prise, nous ne sommes pas encore parvenus à nous débarrasser de cet hôte incommode et dangereux. Nos voisins les Anglais, grâce à leur position insulaire, ont pu mettre à mort le dernier représentant de cette espèce dans leur pays en 1766. Chez nous, quelques loups existent encore dans les parties très boisées et sauvages du pays … Si sa voracité est extrême, sa couardise et sa peur de l’homme égalent sa férocité». Suivent toutes les informations représentant l’intérêt d’exterminer tous les animaux à fourrure vivant sur terre et énonçant les bénéfices que l’on peut en tirer.
Notons que la conscience écologique, qui certes a considérablement progressé depuis 1923, reste en bute aujourd’hui à l’inertie des mentalités dominantes, cyniques et guère mieux éclairées qu’il y a cent ans, et dont l’aveuglement matérialiste et utilitaire poursuit son oeuvre méthodique d’extinction du vivant.
Le grossiste pelletier cité plus haut n’eut pas longtemps à attendre pour s’en réjouir, car le dernier loup fut tué en France dans les années 1930. C’est comme si l’on avait coupé le dernier arbre de la forêt, pêché le dernier poisson de la mer, anéanti l’âme primitive de la vie et de la liberté. Un vent de désert souffla sur le monde. Le tueur dut s’en vanter comme d’autres se sont vantés plus tard d’avoir tué le dernier représentant d’une espèce de rhinocéros, d’ours ou d’antilope. Mais ces criminels ne sont que les exécutants de la conscience dégénérée de la société humaine, divertie de la mission qui devrait être la sienne de préserver et de respecter la vie et sa diversité sur cette terre.
Le loup toutefois, comme le phénix de ses cendres, ressuscita du fond de l’histoire. Il revint à pas feutré, des contrées de l’Apennin, là où l’homme parle l’italien, le descendant de lait de la Louve Romaine, et dont le coeur ne fut pas si rempli de haine. Il est à croire qu’un secret fond de vénération pour le principe sacré de sa nation et de son âme lui permit d’accorder encore au loup le droit de vivre.
Il gagna ainsi progressivement les régions montagneuses des Alpes Maritimes et de Hautes Provence, des Pyrénées, du Jura, des Vosges et du Massif Central.
Alors que je séjournais dans le pays de Salers, en Haute Auvergne, j’appris que la présence du loup fut signalée depuis quelques années dans les montagnes situées entre les hautes vallées du Falgoux, de l’Aspre, de la Bertrande, de la Jordanne, et au-delà jusqu’au Lioran. Cette région sauvage et escarpée, présente un couvert épais de hêtres et de sapins, qu'arrose une multitude de torrents et de cascades, et déroule d’immenses prairies d’altitude dont les herbages festonnent le rempart des crêtes rocheuses. Aujourd’hui comme jadis, le site offrirait en effet un séjour idéal à cet hôte farouche et secret qu’est le loup.
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Salers, dans les hautes terres d'Auvergne |
Bien entendu, le naturel sédentaire de l’homme reprenant le dessus, on ne manqua pas d’attribuer maintes calamités à l’intrus. Tel celui qui connaît cet éleveur de Saint-Paul-de-Salers ayant perdu 40 têtes de mouton, atrocement mutilées par la nouvelle bête du Gévaudan, tel autre connaissant ce même éleveur d’un autre estoc affirmant qu’il s’agit de 60 têtes. Ainsi d’autres cas de carnage sont signalés, serait-ce au Fau, à Saint-Projet ou alors à la Rocquevieille ? Les informations sont incertaines. Une chose semble cependant assurée : le loup a bel et bien frappé, un frisson inédit parcourt les chaumières des hameaux et des écarts. On en appelle aux investigations énergiques des autorités, on requiert avec véhémence des battues administratives. Le lendemain, j’entends de la part d’un autre commentateur de l’actualité des affirmations plus circonspectes. Il n’a pas encore été formellement établi que l’auteur des crimes fût vraiment un loup ou des loups, d’aucuns supputent l’attaque de chiens errants, ce qui ne serait d’ailleurs pas la première fois. Les rumeurs suivent donc leurs cours, parfois contradictoires le plus souvent incomplètement documentées. La matière me semble donc insuffisante pour emporter ma conviction. Mais le mystère demeure. Et quel mystère ! J’imagine cette peur ancestrale reprendre son gîte dans les montagnes, et toutes ces questions en suspens : Peut-on laisser ses troupeaux à l’estive ? Les loups s’attaquent certes aux moutons, pas encore aux troupeaux de bovins. Mais, quand même, s’attaquerait-il aux hommes ? Il semble que non, mais on ne sait jamais, il y a si longtemps que nous n’avons plus la science pratique du loup. Mais alors, peut-on encore s’aventurer de nuit, de retour de quelque visite ou goguette, alors que la campagne est un abîme noir absolu où l’on n’entend que le souffle altier du vent et le râle des torrents dans les ravins encaissés ? Peut-on même encore partir de jour en excursion seul dans les forêts insondables, rêver au bord des sources, cueillir selon la saison, le cep ou la myrtille ?
Cette région, qui tire son charme touristique de son caractère magnifiquement calme et paisible, de ses proportions grandioses, de ses tableaux de nature sublime, que le commun éclairé apprécie surtout aux beaux jours d’été dans les tables d’hôtes accueillantes et bien garnies, devait offrir il y a quelques siècles cet aspect de sauvagerie austère et primitive qui effraierait ou rebuterait le citadin contemporain, c’est d’ailleurs même le cas aujourd’hui lorsque que reviennent les sombres jours glacés de l’hiver. La mystique du loup, tout comme sa réalité vivante, faisait planer son ombre sur ces étendues solitaires.
Une expédition judiciaire décidée par le Roi se transporta durant l’hiver 1665 dans plusieurs villes et localités d’Auvergne aux fins de corriger les troubles, crimes et scandales commis dans cette Province éloignée de la justice du Parlement et du pouvoir central. On appela cette session judiciaire « Les Grands Jours d’Auvergne ». La relation que fit l’abbé Esprit Fléchier, (1632-1710), évêque de Nîmes, dans ses mémoires sur les Grands Jours donne un aperçu de la réalité physique et sociale du temps. Présentée commune « une province montagneuse et écartée, aux mœurs violentes, aux itinéraires jalonnés d’obstacles et de dangers imprévisibles » (in Yves-Marie Bergé, Préface des Mémoires), on ne doute pas qu’elle ne fût appareillée aux images de férocité du loup.
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Les Grands Jours d'Auvergne (1665-1666) |
« Si la rectitude et la viabilité des routes étaient assurées de Paris jusqu’en Basse-Auvergne, les pays montagneux des confins de la Province empêchaient la pénétration par des rocailles et l’escarpement des chemins pendant l’été, par leurs neiges et leurs congères pendant les longs mois d’hiver. Le rapport de l’intendant Lefèvre d’Ormesson note, en 1697, : A l’égard de chemins, ils sont très bien tenus dans l’étendue des quatre élections de la Basse-Auvergne – Clermont, Riom, Issoire et Brioude – mais il n’en est pas de même pour celles de Haute-Auvergne – Aurillac et Saint-Flour-, principalement dans celle d’Aurillac, où l’âpreté des montagnes rend les chemins fâcheux et quasi inaccessibles. Le débordement des eaux, qui arrivent par des torrents, que les neiges fondues et les pluies continuelles forment, achève de les rendre impraticables. Cela demanderait des réparations considérables ainsi que pour la plupart des ponts qui n’ont point de gardes foux (sic) et qui sont rompus en bien des endroits tant de cette élection que de celle de Saint-Flour ». On trouve ailleurs : « Ces chemins (à travers les montagnes du Cantal) sont quelquefois inaccessibles pendant trois mois de l’hiver. Il n’y a pas d’année qu’il ne périsse quelque (voyageur) par la rigueur du froid, le danger des neiges et des tempêtes à quoi cette montagne est assujettie » (in Yves-Marie Bergé, Préface des Mémoires).
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L'abbé Fléchier |
Quant aux Mémoires de l’abbé Fléchier, proprement dits, il s’agit surtout d’un texte littéraire rapportant les anecdotes relatives aux magistrats de la Cour « perdus dans cette province impossible », de l’exposé de quelques cas, grands ou petits, soumis à la rigueur de leur justice. Mais une couleur locale, faite d’un sentiment étrange et profond de dépaysement, l’évocation des exactions féodales, des brigandages, des meurtres, des couleurs impressionnantes d’un territoire rude, d’une paysannerie aux conditions de vie difficiles, donne un arrière plan extrêmement pittoresque à l’ouvrage. Une phrase semble illustrer le caractère commun de cette population montagnarde, qu’elle soit noble ou paysanne, sans doute avec un trait légèrement forcé : « Ils habitent dans des villages séparés du reste de la province par des rochers presque inaccessibles, et par des remparts de neige qu’on ne saurait franchir que dans les chaleurs de l’été, et qui les tiennent assiégés dans leurs maisons la plus grande partie de l’année ».
Fléchier nous fournit aussi, quoique par le truchement des rapports qu'il en eut, cette description au vitriol de cette province de Haute Auvergne, et qui laisse une sensation de froid dans le dos : « Le grand emploi de ces Messieurs (Les magistrats des Grands Jours) était d’examiner les informations contre la noblesse, et de purger les montagnes d’une infinité de désordres que l’impunité et l’ignorance y ont introduits. Le crime, qui est toujours accompagné de honte et qui cherche naturellement les ténèbres, n’a point trouvé de retraite ni plus sûre ni plus secrète que ces rochers escarpés que la nature semble n’avoir pas faits pour des personnes raisonnables et n’avoir destinés que pour l’habitation des animaux. Il s’y trouve des hommes qui le sont si peu qu’on n’y connaît aucune marque de raison, ou parce que, vivant sans instruction, ils sont abandonnés au désordre de la nature déréglée, ou parce qu’étant séparés de toute sorte de société et de politesse, ils ont des exemples de malice ou de grossièreté, et n’en ont aucun de douceur et de modération dans la vie. Ainsi, quoiqu’il s’y passe des choses qui font horreur, on peut dire qu’ils sont simples et ignorants par malheur, et qu’ils sont méchants par simplicité ; il est vrai qu’il s’y trouve des simplicités toutes pures…"
Il ne manque plus à cette peinture sinistre des lieux et des mœurs du temps, que celle des superstitions tenaces de sorcelleries, maléfices et autres diableries qui eurent cours tant de siècles dans ces montagnes (comme partout ailleurs), pour finir d’en brosser le portrait inquiétant. Le souvenir des peurs collectives causées par le loup hantant leurs forêts, qu’elles soient d’origine naturelle ou surnaturelle, ajoutent encore au vent lugubre qui souffle sur l’évocation de ce passé farouche et mystérieux, presque fantastique, au coeur de la Haute Auvergne. *
« L’orfraie et le hibou s’y perche,
Ici vivent les loups-garous,
Jamais la justice en courroux
Ici de criminels ne cherche. »
(Théophile de Viau- La solitude)
*Plus de cent-trente ans après les Grands Jours, n'est-ce-pas encore une sensation d'effroi qu'exprime Friedrich Hölderlin dans une lettre à sa mère, datée du 28 janvier 1802 à Bordeaux: "Ces jours derniers la route était déjà toute printanière, mais auparavant j'ai dû traverser les hauteurs redoutables de l'Auvergne couvertes de neige, la tempête et des régions sauvages, et j'ai couché sur un grabat dans la nuit glaciale, un pistolet chargé près de moi; c'est alors que j'ai fait la meilleure prière de ma vie, une prière que je n'oublierai jamais. Je suis sauf, soyons-en tous reconnaissants. Mes chers, après avoir échappé à ces dangers mortels je vous ai salué comme si je renaissais à la vie."
Au-dessus du Bois Noir |
Il n’est pas rare de rencontrer dans les registres paroissiaux du royaume les actes de sépulture de victimes du loup. Des centaines de cas ont été recensés depuis le 17ème siècle, sans qu’on soit pour autant assuré que la cause réelle de la mort soit l’attaque de l’animal. Le corps des victimes a pu être en effet dévoré post mortem. En 1704, le corps d’une enfant, « à moitié dévorée des loups » fut retrouvé à Saint-Projet de Salers dans le Bois Noir, aux confins des derniers écarts, et enseveli dans le cimetière du lieu. Là aussi la mention « à moitié dévorée des loups » n’est pas le constat assuré de la cause mais celui de l’état où le corps a été retrouvé. Les forêts à cette époque n’étaient pas courues que par les loups, les rôdeurs assassins et violeurs d’enfants ou de femmes isolées pouvaient, comme aujourd’hui, y avoir guetté, attendu ou suivi leurs proies au bord du sentier, qui s’étaient éloignées en quête d’affouage, de cueillette ou d’une bête égarée, et dont les enfants surtout avaient ordinairement la garde près des villages. Dans les temps anciens et les lieux reculés où nous renvoient ces chroniques, aucune investigation judiciaire ou scientifique n’était en mesure de conclure à une autre cause que celle de la première évidence. Ainsi, le crime commis par la main de l'homme dans les retraites obscures devait rester souvent impuni. Le loup, dût-on lui imputer avec vérité quelque méfait, était bel et bien accusé de tous les maux.
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Le loup garou |
Si le loup eut en particulier la réputation souvent fantasmée de savourer la chair humaine et de faire de l’homme sa proie comme d’un vulgaire porcelet, il faut se souvenir que l’homme lui servit lui-même le couvert, donnant à cette réputation quelque fondement documenté. Les guerres intestines, politiques ou religieuses qui ravagèrent l’Europe depuis la guerre de Cent Ans, couvrirent les villes et les campagnes de carnage. Que l’on songe aux innombrables tueries des guerres de religion, aux exterminations de la guerre de Trente Ans, aux guerres de l’Ancien Régime et aux boucheries napoléoniennes. Les corps restaient souvent des mois sur les champs de bataille, étaient laissés à l’abandon dans les campagnes incendiées, en toutes saisons, la nuit, l’hiver, livrés ainsi aux charognards, les corbeaux et les loups. Car le loup, comme son cousin le chien, est aussi un charognard opportuniste. Si on l’invite à un festin, il y revient. L’homme, à défaut de son improbable sagesse, a transmis au loup la saveur de son propre sang. Quelle serait dans ces conditions la mesure de la prétendue férocité du loup, à côté de celle d’Homo-Sapiens ?
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Campagne de Russie (1812) Le festin des corbeaux et des loups |
Nous avons vu que le pays de Salers, dominé par le majestueux Puy Mary, est constitué de plusieurs vallées profondes, dont les versants et les sommets sont couverts de prairies d’estive, de landes gazonnées et d’épaisses forêts. Un paysage d’une beauté exaltante en vérité. Il est le repaire de quelques populations de chamois errant entre les étendues boisées et les éperons rocheux, et surtout de chevreuils et de cervidés prospérant sous le manteau de la sylve. Dès la fin du mois de septembre en fin d’après-midi, le promeneur cheminant sur les sentes du Bois Noir, vaste entonnoir glaciaire élevant ses pentes jusqu’à la brèche d’Enfloquet et le Puy Chavaroche et couvert de sombres sapinières, peut soudain être saisi de stupéfaction au bruit de hurlements lugubres et terrifiants roulant leurs échos dans l’espace immense, mêlés au fracas lointain des torrents et des cascades. Ces hurlements, proches du grognement gigantesque et de la plainte monstrueuse, semblent provenir de plusieurs points en même temps, se croiser et se répondre. Un sentiment de terreur pourrait envahir le promeneur solitaire s’il n’avait pas été préalablement informé par le vernaculaire que la saison du brâme avait commencé.
Mais qu’elle n’eût pas été la grande épouvante de ce même promeneur s’il se fût soudain avisé que ces hurlements provenant du fond de la pénombre eussent été ceux des loups !
Cette occurrence nous renvoie au fantasme d’un passé médiéval où l’on imagine cette région reculée comme une sorte de Transylvanie subcarpatique couverte de mystères et de brumes.
Situées au coeur de la « Gaule Chevelue », comme la nommait les Romains avant la conquête, à cause de ses immenses forêts, aussi vastes que celles de la Germanie, Alfred Maury dans son ouvrage « Les Forêts de la Gaule et de l’Ancienne France (1850)», nous rapporte que « les pentes du Cantal étaient jadis couvertes de vastes forêts de sapin, admirables de vigueur et d’énergie, dont l’arborescence fut stimulée par le fond du sol, constitué de roches volcaniques. (Même au 18ème siècle) aucune route ne traversait cette région, ce qui fit que les forêts échappèrent à l’avidité des exploitants. Les habitants se contentaient d’aller chercher sur leur lisière un mauvais charbon et quelque provisions pour le chauffage et les usages domestiques. Aussi, malgré les droits d’usage concédés par les anciens seigneurs, la partie centrale de cette masse forestière, demeura-t-elle fort longtemps intacte ».
Transportons-nous en imagination dans cette région, telle qu'elle pouvait apparaître, il y a quelques siècles: Passé la bourgade de Salers, à la physionomie sombre et austère, ancien baillage royal dont le beffroi et les remparts dominent du haut du plateau de Barrouze les vallées de la Maronne et de l’Aspre, on penserait entrer dans un monde perdu. La route abrupte et boisée de la Pierre dévale en lacets des précipices, bifurque à l’Est jusqu’au bourg de Saint Paul, poursuit au sud jusqu’au bourg de Fontanges, dernières vigies blotties et frissonnantes à la lisière des ténèbres. Au-delà l’itinéraire s’enfonce et se perd dans l’inconnu et l’imprévisible, s’étrangle à travers des défilés de roches, serpente par de hautes landes désertes, longe des ravins obscurs et des gorges tumultueuses, brave les cols enneigés du bout du monde. Partout le spectre de la forêt étend son ombre et l’hiver marche en silence dans son manteau noir. Les écarts et les hameaux paysans, masures et métairies isolées, oustals aux murs épais de forteresse trempant dans la souille, semblent reclus dans les replis de la montagne, leurs toits de chaume fumant le jour, au chant du coq et de l’enclume, barricadés à l’approche de la nuit contre les assauts acérés de l’écir, et dans l’effroi de la Grand Bête.
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La croix des vachers sur l'éperon de la Roche |
Car l’esprit du loup, comme les morts, voyage vite. Il a traversé le temps et surgi de l’origine, il a précédé toute religion et toute croyance, guidé et inspiré la longue marche humaine dans son odyssée touranienne. Mais l’homme, abandonné à l’illusion du lucre et de la possession, jaloux de sa passion du pouvoir et de la destruction, renia peu à peu l’alliance cosmogonique et se détourna lâchement du loup, son frère de lumière, l’esprit de la vie sauvage. Il le relégua sans pitié dans les régions de l’infâmie et des ténèbres. Les brisées de son errance aperçues au matin ne lui parurent plus que comme la marque du Diable. La peur du Diable tout autant que la crainte et la haine qu’il vouait au loup ne lui laissèrent pas de répit. Il prétendit les conjurer par ses autels et ses calvaires, dont les vieilles croix moussues jalonnent les sentiers de la montagne. Sous l’autorité de Dieu, on le calomnia même en chaire, lui le suppôt de Belzebuth, l’oeil de l’enfer sur la terre des chrétiens. Prévôts et Baillis l’accablèrent des coups de leurs décrets, lui dépêchèrent des lieutenants armés avec force concours et tumulte, lui le fauteur de troubles, le fléau des campagnes et des troupeaux. Longtemps encore les bois retentirent du charivari lancé à ses trousses, longtemps encore l’anathème gronda et fulmina. Puis le silence retomba peu à peu comme un duvet de neige sur la montagne. Les échos ne frémirent plus que du souffle du vent dans les ramures et du murmure des sources. Mais l’âme du loup est tenace, comme le principe qui soutient le monde. Elle peuple les nuits de l’enfance et les limbes de l’inconscient. Quels que soient le lieu et le temps, ici-bas, elle ne cessera jamais de hanter l’imaginaire, tapie dans l’obscurité de l’alcôve ou dans l’ombre des futaies.
Mes excursions au pays de Salers me conduisent le plus souvent sur les hautes pentes boisées situées aux confins des vallées de la Bertrande et de l’Aspre, et qui après une longue ascension le long de multiples ruisseaux et chutes d’eau s’ouvrent sur des étendues d’herbage et de bruyère. Ces étendues s’élèvent en vastes cirques verdoyants balayés par les vents et l’ombre des nues, grimpent encore jusqu’aux crêtes minérales formées par les masses imposantes du Roc des Ombres, du Puy Chavaroche du Puy Orset ou de la Roche Taillade. Ce relief tourmenté témoigne de son formidable passé géologique, du fracas gigantesque des énergies telluriques qui s'y déchaînèrent, des guerres de Titans dans lesquelles il fut précipité.
Nous avons vu que ces solitudes secrètes, où la nature accumule avec tant de splendeur les lents sédiments des âges, offrent des retraites à toutes sortes d’espèces sauvages, cerfs, chamois, chevreuils, renards, sangliers et en particulier, à en croire la dernière rumeur, au loup, le loup de Salers.
L’on peut suivre ou croiser de ces coursives, de ces sentiers filant depuis les sommets à travers les bois touffus et les halliers impénétrables où l’on imagine passer son ombre, venant rôder jusqu’ à la lisière des hameaux.
Le Fau, Le Peuch, La Bastide, La Jordanie, La Peyre del Cros, La Persoyre, La Roche, Boudou, Lamargé sont autant de ces sentinelles de la dernière présence humaine postées aux franges du Bois Noir, de la Montagne de Sarte et des pentes du col de Légal, qui eurent du fond des siècles à tenir le siège oppressant de la nuit et affronter la menace du loup. Un tel tableau frissonnant ne serait pas complet si l’on n’y ajoutait, sous le disque tranchant d’une pleine lune, les silhouettes sinistres de deux châteaux médiévaux, aujourd’hui complètement ruinés et disparus : Celui de Beauclair, accroché aux escarpements de Seilhols, près du Fau, que les tabellions héréditaires de Fontanges mentionnaient encore au début du 17ème siècle, et celui de La Roche, perché sur l’éperon du même nom qui domine la haute combe de Bonnaves et offre une vue plongeante sur le col Saint Georges à l’ouest, à la confluence des vallées de la Bertrande et de l’Aspre. Ce vieux château n’a plus donné de ses nouvelles depuis la dernière mention qui en est faite dans une charte de 1284 (A Rocha), mais des légendes courent encore aujourd’hui sur le mystère de ses souterrains fantômes et de ses trésors inaccessibles.
Dans le Bois Noir |
Laisnel de La Salle nous rapporte une croyance berrichonne : Si l’on est aperçu le premier par le loup, on devient rauche. Notre voix devient rauque, enrouée (rouche, dans le Lyonnais), au point de ne pouvoir crier et appeler. Dans le cas contraire quand on voit le premier le loup, celui-ci perd son pouvoir sur nous.
Alors qu’en sera-t-il de toi, que tes pas ont conduit si loin au coeur de la forêt ? Tout est calme et paisible, la source chante, la brise bruisse, le soleil luit joliment sur la montagne. Tu marches avec enthousiasme et insouciance, ivre de bonheur et de liberté. Le monde est beau et empli de merveilles. Mais y as-tu seulement songé ? Seras-tu saisi du rauche lorsque tu apercevras l’apparition redoutable, celui qui n’est nulle part et celui qui est partout ? T’observe-t-il déjà dans l’ombre des feuillages, la gueule haletante, les yeux luisant comme des braises ? Dévale-t-il les pentes d’Emblaud ou de Chavaspre, de sa course souple et endurante, se dirigeant irrésistiblement à ta rencontre ?
Mais déjà l’air fraîchit, le ciel tout-à-l’heure serein se couvre de nuées faisant comme un froissement sourd de fleuve qui court. Tu t’es aventuré bien loin dans la forêt profonde, le soir tombe. Une inquiétude te saisit. Lui, le paria, le maudit, le damné, il est le survivant et le seigneur des ombres, celui qui succombe et renaît toujours. Tu ressens soudain sa présence, il revient, le loup est là.
Ton sort dépend maintenant de toi: Fuir sous le coup de l’épouvante et sans espoir de salut; tu connaîtras alors le goût amer de la déchéance et de la honte, tu respireras l'odeur âcre de ton tombeau. Ou bien, te rappelant qu'il n'est plus grande vertu que la bonté du coeur et l'humilité, tu devras surmonter le trouble qui t'agite et le mensonge de la peur, car ils dévoyent du sens de l'existence. Face au loup, du devras rester droit et ferme. Il fixera un instant son regard sur toi, tu y verras le spectre effrayant de tes rancoeurs et de tes cauchemars ou bien l’ami qui n’a jamais cessé d’être fidèle, le frère spirituel et cosmique. Il passera en silence devant toi, l'être de vaillance, de sagesse et de charité, prêt à te servir de guide, par les embûches et les périls, vers les prairies du firmament. L'âme du loup libère des chaînes du passé, raffermit l'intelligence et la volonté, car il est l'éveil éternel au monde.
Le récit de l’univers a constellé le ciel de mythes et de légendes fondatrices et structurantes de la culture des anciens peuples, nos ancêtres. Comme dans un puits sans fond, il y projette le fantasme des origines, du temps et de la destinée. L’Esprit du Grand Tout qui anime toutes choses, en régit la course et la trajectoire. Dirige ton regard, plonge ton âme dans la voûte céleste, comme tu entres dans ton coeur: Au retour du printemps, on y aperçoit "le sentier des loups" accomplir son cycle de lumière...
Honorius « Les Portes de Janus »
Le 8 janvier 2020
cliquez: La fraternité du loup
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La Voie Lactée ou le Sentier des Loups |
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