Les rives du Léthé
Le temps est le meilleur allié de l’oubli et de l’ombre, il en est même le plus sûr artisan. Tout passe avec la vie, comme le fil de l’eau, vers d’incalculables métamorphoses.
J’ai cru moi aussi entrevoir ces rivages mystiques, j’ai traversé en tremblant des miroirs de fièvre, suivi avec rage et candeur d’improbables aurores, pour échouer moi-aussi, comme tous les « amputés du cœur », dans les sables convulsifs d’une pitoyable agonie. Les chimères sacrées de l’idéal et de la révolte, les fontaines scintillantes de la poésie, l’écume de l’aventure, Dieu même, et le tombeau du Christ, et puis, hélas, cette idole imprévisible que l’on nomme la Femme, en furent tour à tour les saintes causes.