vendredi 16 janvier 2009

Le journal de Dario (5) De Profundis


 De Profundis

S’élever à la lumière du soleil, vers l’Infini, sur un cheval de vent ou bien glisser peu à peu dans l’ombre indolore de l’oubli, suivre dans la brume cette longue route de nuit qui s’allonge sous mon pas ! Oh j’espère ardemment en l’un ou en l’autre, et j’en ai peur, peur de ce ciel, de ce gouffre de suprême rédemption. J’ai si froid, et comme je tremble et je pleure, entre les déserts et les forêts de l’enfance, hanté par le souvenir de la grandeur abattue de mon père, attendri par le spectacle immaculé de la vie en fleurs de ma fille, mes derniers regrets et mes dernières espérances d’ici-bas ; et puis être enfin libéré de la Divinité, cette fatalité adorée, bienveillante, oppressante et cruelle, cet impitoyable démon de plaisir et d’amour qui convulse le destin de l’homme, pouvoir enfin avancer au milieu des prairies où coulent les torrents, parmi les splendides nudités de la vraie Création, « rentrer dans son cœur », se dépouiller de ses bagages terrestres, qui selon le latin Perse « se réduisent à bien peu de chose ». Le croyant, l’homme honnête ou désespéré, doivent en effet se présenter humbles et purifiés dans cette ascension ascétique qui les conduit au sommet sacré de la montagne, sur les remparts flamboyants du Ciel.

Qu’importe, après tout, le salut de mon âme, le cours de ma vie languissante, qu’importe le mystère du Verbe et la beauté de l’espérance des autres, puisque demain, l’éternelle aube blanche et noire reviendra obstinément avec sa vérité.

Oh que passe enfin, d’une manière ou d’une autre, cet exécrable solstice de l’hiver !

16 janvier 2009

vendredi 2 janvier 2009

Le journal de Dario (4): La mort d'Ilion

La mort de Troie (Ilion)



La mort d’Ilion 


Lorsque j’aurai passé ma saison prescrite entre des murs blancs, lorsque j’aurai livré tout entier mon front brûlant aux auscultations expertes, il est convenu que je reviendrai, candide comme une chrysalide, devant l’inoffensive évidence du corps et du temps, purgé de tous mes anciens élans de perfection et de sauvagerie. 
Je me suis souvenu de la parole du Sage : « Si tu plonges longuement ton regard dans l’abîme, l’abîme finit par ancrer son regard en toi ». Hélas, je savais qu’il n’est de Mal plus puissant que celui qui plonge ses racines dans le Meilleur de Soi. 
Il faudra bien pourtant que les portes réconciliées du Ciel et de l’Enfer, dans un dernier grincement de gonds, se referment derrière moi, que la connaissance désenchantée du monde descende au creux de ma conscience, la dépouille des mensonges et des errements du passé, des soleils morts de la destinée, enfin de toutes les jubilations et des terreurs sacrées du Désir. Je serai, paraît-il, sur la voie qui mène à l’homme exemplaire, convenable en tout point, l’homme droit, juste et bon, mais surtout l’homme soumis à lui-même, sans extase et sans folie. 
Il faudra bien en finir avec cette guerre d’Ilion où tout mon sang s’écoule et s’épuise, ces tourments obstinés, ces affres exquises tournées vers l’improbable ravissement; et rouvrir enfin le livre vertueux de la Raison et du Devoir. La vision des hautes cimes s’effacera peu à peu de ma mémoire, j’oublierai que le vrai bonheur est une passion qui se dévore à l’infini dans sa propre flamme, je réapprendrai le mépris des chimères qui élèvent l’âme au-dessus des abîmes et je rirai encore de l’espèce d'halluciné que j’ai pu être. Je laisserai derrière moi un horizon de cendres et de pierre. 
Hélas, Tu n’étais que cela Toi aussi, l’Ombre et la Poussière, ce printemps éphémère où je ne te survivrai jamais, le stupide hermétisme d’un langage et d’un dialogue impossibles ! 
Pourtant c’est à Toi, "Dieu d'éternel tourment", que je dis une dernière fois merci, à Toi qui, comme un cheval de feu, comme l’oriflamme sur le chemin de Jérusalem, a illuminé la longue espérance du Croyant. 
Maintenant, enfin, je peux m’étendre sur d’autres rivages et m’endormir.

Janvier 2009 




Pour rechercher un article

Formulaire de contact

Nom

E-mail *

Message *

Archives du blog