Passé le coup de tonnerre de la stupéfaction, qui horrifie, meurtrit et scandalise, s’installe, plus vite qu’on n'eût pensé ou souhaité, l’ennui hébété de l’irrémédiable, un vide d’absence et de résignation à la banale idée de l’éternité. Banale, comme la vie tremblante qui continue de couler dans nos rangs clairsemés, parmi le chaos du quotidien qui nous arrache au silence glacé de la douleur et de la peur, banale et merveilleuse comme à chaque réveil dans les lueurs du matin.
Ce masque d’ange épuisé à la douceur tragique vient
figer les dernières implorations de l’être vivant, celles que ton souffle
exhalait il y a une heure encore dans l’intimité de cette immense solitude.
Comment croire que tant de sensibilité et d’intelligence cultivées patiemment à
la lumière du monde, comment croire que tant de trésors de conscience se soient
subitement évanouis dans l’antre du néant ? Et cette vie si longtemps courtisée où les
désirs obstinés de ravissement bruissent et chatoient comme une onde miraculeuse,
faut-il qu’elle passe comme passent les nuages dans l’orée frémissante du
soir ? Ce chemin que j’ai suivi mille fois en ruminant le silence des
idoles, en livrant mes stupeurs aux vertiges de l’illumination, faut-il qu’il
se termine dans cette ornière aux portes de l’agonie ? Cher frère en mon
coeur, mon désarroi sera le tien, le jour funeste où viendra m’enlacer
l’étreinte du désespoir et de la douleur. Je repenserai alors à mes élans de
liberté et de gloire sur le dos majestueux de la Licorne, à ces prairies
flamboyant comme une traîne de louange à la couronne des montagnes, à ces ciels
battus par les épopées sauvages, du temps où j’étais encore vivant. Je
repenserai, comme au dernier jour du condamné, aux visages et aux voix
anciennes, au long voyage des saisons, aux humbles révélations dont la vie tire
aussi sa splendeur, sans doute aussi aux défaillances dont je me soupçonne.
Mais à quoi bon épuiser sa conscience dans la traque
des ultimes remords ? N’y a-t-il pas assez d’affliction à devoir quitter à
jamais les rivages resplendissants du monde ?
Et puis, après tout, qui sait, je suis sûrement dans
un rêve, et je m’éveillerai bientôt à l’évidence du jour !
Décembre 2017
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.