mardi 1 mai 1990

Alma Mater (5) Naples

Ce fut enfin l’arrivée tant désirée à Naples, immense et éblouissante, patrie turbulente, suave et sauvage, de tout ce que le cœur renferme d’inassouvi. 
J’éprouvai aussitôt une attirance violente pour cette ville, comme pour une de ces filles fauves au regard de braise qui vous enflamme le tempérament. 
Elle m’apparaissait comme la symbiose vivante de cette vaste diversité trépidante du Sud, le synchrétisme bariolé de toutes les envies passionnées de vivre, la Femme Déesse aux mille beautés scintillantes. 
Durant sa longue histoire depuis les temps homériques, Naples a épousé l’empreinte de toutes les civilisations, le caprice de tous ces aventuriers et dynastes bâtisseurs de royaumes comme la grève bruissante épouse l’écume de la mer, depuis les anciens Grecs libres et héroïques jusqu’aux roides et vaniteux Bourbons d’Espagne. Elle a recueilli, avec une souplesse féconde du tempérament, l’apport de toutes les hérédités semées par le hasard des vents et des flots, dont elle façonna cette image éclatante qui rayonne sur la méditerranée comme une merveille du monde et devant laquelle s’agenouille le célèbre adage : « Vedere Napoli, e poi morire » ! 
La capitale de la Grande Grèce, la « Nea Polis », magnifique et délurée, mi souveraine et mi rebelle, qui, se riant de toutes les adversités, enjôle les maîtres qui croient la tenir, qui joue allègrement du registre des sentiments et de la séduction comme une actrice invétérée, tour à tour espiègle et langoureuse ; cultivant par-dessus tout la philosophie naturelle de l’insouciance et de cet instinct stimulant du « laisser vivre », par laquelle elle a su si bien défier, dans l’éclat de sa vitalité, le mirage stupéfiant du temps et le cours chaotique des événements. 
Naples, ville assourdissante des clameurs de vivre et d’aimer, Naples l’ensorceleuse, fille des chants de l’Odyssée, rieuse et indomptée sous le ciel des illusions joyeuses, s’ouvre naturellement aux sources méridionales de l’Antiquité, qui ont nourri sa fascinante Beauté : la Grèce et le Proche Orient. 
Dans les jardins de Mergellina, dont ma mère me murmurait les antiques romances, c’est à elle aussi que je pensais, parmi les chaleurs stridentes et les senteurs de pin et de citron. 
Sous un frêle ombrage, la statue d’Auguste Imperator, l’index levé en un geste souverain, contemplait, étendu devant lui, le paisible et ample spectacle du « Mare Nostrum », l’immense ouvrage multimillénaire de la civilisation. 

Honorius/Les Portes de Janus/




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