Rome rayonna pendant huit cents ans comme la capitale politique du monde « civilisé ».
Aujourd’hui encore, sous le titre de « Ville Eternelle », elle s’affirme comme la capitale historique de la spiritualité et de la civilisation occidentales.
La Rome antique apparaît comme une synthèse formidable de toutes les formes politiques qui la précédèrent dans l’immensité du pourtour méditerranéen.
Cette métropole grandiose, qui compta plus d’un million d’habitants au début de notre ère, était digne, il est vrai, de l’admiration étonnée du monde qui ne connut jusqu’à lors rien de pareil.
Mais la puissance prodigieuse de ses appétits hégémoniques la porta bientôt à une démesure monstrueuse. Son idéal de force et de magnificence brutale pour reprendre ici l’expression de l’historien Louis Bertrand, imposa sur le monde un ordre d’une efficacité implacable que l’on nomma la « Pax Romana », la victoire de la civilisation sur le chaos de la barbarie, la prééminence d’un mode de vie à prétention universelle.
Qu’il était loin le temps fabuleux des sept collines, où les bergers sabins, jouant de leurs chalumeaux, paissaient paisiblement leurs troupeaux à l’ombre des bosquets.
Rome n’a pas échappé au progrès, tel qu’on le connaît de nos jours. La marche irrépressible de l’expansion matérialiste a submergé ce que l’on croit être l’harmonie primitive, cette paix des champs que ne troublait pas encore l’oppression tumultueuse des masses.
Car Rome, c’est avant tout le sens exacerbé de l’Etat, une intention terriblement logique et rationnelle qui recouvre le monde.
Mais Rome, c’est aussi cette part fascinante de mystère que lui confère le fantasme d’un passé plongé aux sources épiques du mythe. Elle frappe encore l’imagination comme un de ces phénomènes cosmiques, immenses et éblouissants, qui ont fini par disparaître aux confins obscurs de l’univers après avoir empli l’espace du firmament.
Je me souviens d’un après-midi du mois d’août où, parcourant les places et les avenues de Rome, je m’arrêtai sous l’ombre clairsemé d’un bosquet de pins odorants dont les aiguilles faisaient comme un tapis moelleux sous les pas.
La journée était ensoleillée et torride. Assis sur un vieux banc de marbre antique, je me laissais griser par le concert envoûtant des cigales qui criblait l’air brûlant.
Devant mon regard s’étendait un vaste espace de prairie sèche, bordée d’une végétation aride de pins et de buissons. Le centre de cet espace était parsemé dans le sens de la longueur de blocs de pierre grise aux allures hiératiques de vieux autels ou de vieux tombeaux abandonnés.
Je compris soudain que je me trouvais sur l’emplacement de l’illustre « Circus Maximus », qui se dressait, il y a deux mille ans, superbe et grandiose, comme le plus vaste édifice de Rome, pouvant paraît-il contenir jusqu’à deux cents mille spectateurs.
Je gardai un silence stupéfait devant ce lieu extraordinaire où ne subsistait pourtant presque aucun vestige, mais qui vit jadis la pompe éblouissante des jeux et des courses de chars devant le peuple assemblé de Rome et les Empereurs de l’Univers.
Mon imagination semblait discerner, revenant un instant des limbes lointains de l’Histoire, comme un grondement imperceptible, un souffle vague : les clameurs de la foule et le fracas des combats du cirque, le roulement furieux des chars circulant dans l’arène.
Honorius/Les Portes de Janus/1990
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