vendredi 1 décembre 2006

L'inconséquence du roseau pensant (2)


C’est au sein de la nature que l’homme puisa ses premiers sentiments.
La perception du Réel s’opéra d’abord sur le mode de l’intuition et de l’interprétation des apparences, ce qui valut à nos ancêtres d’être avant tout des artistes et des poètes.
« Les premières pensées, à proprement parler, furent des poèmes » disait Alain.
Le perfectionnement des outils d’observation et des méthodes d’analyse renforça peu à peu les connaissances positives, développa l’emprise de la Raison et de la Technique, et partant, le pouvoir de l’homme sur le monde.
Mais quel doit être le sens à donner à ce pouvoir, qui peut être aussi force d’asservissement et de destruction ? Tant il est démontré que la Raison se fourvoie volontiers dans les errements de la présomption et de la bêtise, et se corrompt si aisément dans l’esprit de chicane et de médiocrité.
C’est à ce point que le philosophe prend le relais du scientifique. Car, « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ! » aimaient fort justement à enseigner les Anciens.
Et Alain d’ajouter : «  Il n’y a qu’un objet de la pensée : le monde, l’homme et leurs rapports ! ».
L’homme moderne sensible au spectacle de la nature doit être assurément un peu poète et philosophe à la fois.
Poète, il s’imprègne du sentiment de la Beauté et lui rend grâce des vertus qu’elle lui inspire.
Philosophe, il médite sur la place et la finalité de son espèce au sein du grand prodige de la Création.
Face à la nature, l’homme est, comme disait justement Pascal, un ciron, microscopique et tout-à-fait inoffensif, à l’échelle de ce qu’il devrait toujours être. Mais des milliards de cirons phyllophages agglutinés dans un champ de luzerne ont le même effet dévastateur qu’autant d’êtres humains grouillant à la surface terrestre.
L’homme s’emploie avec méthode et application à transformer l’Eden originel en désert stérile et misérable.
C’est dire que le fameux « roseau pensant », le superbe prétendant à la « grâce », est un bien piètre penseur lorsqu’il marche et bêle en troupeaux, aussi inconséquent dans le présent que dans la vision de son propre avenir !


Honorius/ Les Portes de Janus/ Décembre 2006

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