"J'ai toujours pensé que la beauté du monde était destinée à nous faire oublier la brièveté tragique de nos vies."*Christian Signol convoque en ces quelques mots le sens de toute la philosophie de l'existence. Si chaque être humain pouvait mettre cette considération en perspective, il jetterait à bas bien des prisons intérieures. Nous sommes nés du chant de la Terre et le sentiment de cette harmonie universelle à laquelle nous appartenons nous exhorte à évincer l'esprit de médiocrité et de lourdeur qui aveugle notre intelligence.
Je me méfie par expérience autant que par principe d'attribuer un caractère d'universalité à ce que je nomme "la meilleure part de notre humanité ". De ce fait il pourrait paraître hasardeux de supposer que le sentiment de la beauté soit le bien ou la faculté morale la plus communément partagée dans l'expérience que l'homme contemporain tire de sa présence au monde. C'est plus généralement par sa propention à nier et à brutaliser partout l'esthétique de l'être et l'âme du vivant qu'il se distingue le mieux comme sujet pensant, désirant et agissant. Et ceux qui devraient montrer l'exemple, hâbleurs hypocrites emplis de suffisance, nous désignent davantage les stupeurs du vide que les voies de la sagesse.
En vérité, ce que Christian Signol désigne comme le sentiment de la beauté du monde, c'est-à-dire le témoignage et l'expérience d'une exigence morale de l'homme dans ses rapports avec la nature, ne concerne aujourd'hui, à y bien regarder, qu'une part très relative de l'espèce humaine.
Quant à la brièveté de cette vie, le vrai tragique serait que, dépouillée du sens de la beauté et de la conscience sacrée du monde, sans âme et sans avenir, une telle vie se prolonge indéfiniment.
* "Les vrais bonheurs" de Christian Signol (2005).
Honorius/ Les Portes de Janus/ Le 29 avril 2023.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.