lundi 15 janvier 2024

Coucol, mon frérot, mon poto.



Mon chat Coucol est mort le mercredi 10 janvier 2024 vers 9h40. Las, je l'ai conduit au sacrifice des innocents comme on porte un enfant sur les fonts baptismaux. Il faut dire qu'il était bien plus qu'un chat barrant la route de la cave aux rongeurs. Coucol, c'était mon ami du premier jour, mon frérot, mon poto. C'était la présence silencieuse, calme et bienveillante et la beauté philosophique dans les yeux. Je suis décidément trop empathique avec les animaux, je m'attache à leur chaleur comme à la chaleur maternelle et quand ils s'en vont, je pleure comme un orphelin. Je crois que ce qui me fascine le plus chez eux et nourrit cette empathie, c'est l'expression, souvent même la sincérité tragique de leur regard, qui renvoie à tous les mouvements profonds de l'âme. Je ne saurais toutefois rien ajouter à ce qu'ont dit du Bellay, Baudelaire, Sand, Dumas, Zola, Colette, Heminngway et tant d'autres, à propos du mystère et de la beauté des chats. Comme disait d'ailleurs Colette: "Il n'y a pas de chat ordinaire". Je dirais méme en ce qui me concerne que chaque être vivant a son caractère proprement extraordinaire et je voue à ce titre un respect infini à tout ce qui, sur cette terre, de poil, de plume ou d'écaille, exprime sa part d'intelligence et de sensibilité. L'amour que nous partageons chaque jour avec un animal est aussi fort que tout ce qui nous lie aux êtres humains qui nous sont chers. C'est sans doute rappeler là une évidence. Mais le deuil que nous éprouvons devant la perte d'un être aimé, fût-ce celle d'un chat auquel nous avons prodigué tant d'affection et de soin, est toujours l'occasion de nous interroger non seulement sur notre destinée individuelle mais sur la destinée de cet amour qui donnait force et sens à notre existence. Cette énergie, cette communion des âmes, qui est toute notre raison d'être, subsiste-t-elle d'une maniére ou d'une autre après la disparition des corps? Nous voudrions bien nous en persuader afin de nous consoler de l'angoisse horrifiée du néant. Certains trouvent la source de cette consolation dans les livres des Révélations et comprennent que la vie doit être vécue avec cette sainteté des sentiments pour accéder à la vraie lumière. D'autres, pérégrins des sentiers sauvages, quêtent le visage de la divinité dans l'infini du firmament. Mais tous suivent ces mêmes chemins de peine, de joie et d'espérance jusqu'au sommet de leur montagne. Tous savent désormais que notre part d'éternité est dans l'amour que nous vivons en partage, et qui, comme l'esprit, s'accroît continuellement de sa propre substance. Coucol a emporté le mien, dans sa nuit, comme un viatique. Celui qu'il m'a donné de toute son âme, j'en porte la chaleur en moi pour la transmettre à mon tour dans le flux universel. À vous qui avez rejoint l'ombre et le froid de la terre, à vous qui n'êtes plus que silence et que cendres ou qui le serez bientôt, je le proclame comme une évangile ou une invocation chamanique, car tout devient alors évident: l'amour qui brille en nous, plus que le souvenir périssable, est notre source d'éternité, l'indéfectible beauté de l'être et du monde.

Coucol, mon frérot, mon poto, chaque jour je crois encore entendre tes appels qui se sont tus et mon coeur, j'en fais l'humble confession, est lourd de mélancolie. Tu as quitté à ton tour, dans l'épreuve de la pitié et du courage, ce séjour d'illusion que nous avons partagé comme le seul vrai bonheur, mais, vois-tu, rien ne disparaît complètement. Car il nous reste à jamais ce que l'ancienne croyance nomme la fraternité cosmique, ce chemin de lumière qui relie les vivants et les morts et les réunit dans la vie éternelle. Dis donc, si cela n'est pas une belle consolation! 

Honorius/Les Portes de Janus/ le 15 janvier 2024


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