jeudi 20 février 2025

Je m'avise

Je m'avise qu'il est bien moins rébarbatif et moralement plus gratifiant d'observer, dans sa beauté vraie, dans sa beauté crue, la vie animale plutôt que la consternante scène humaine.

L'animal, on le sait, est dépourvu de cette malice par quoi s'élève, en écrasant tout ce qui l'entoure, l'empire sans foi ni miséricorde des hommes. De ceux-là, au hasard, vous pourrez prendre mille, vous aurez déjà plus de la moitié de gâtée. L'amour de la science et de la dialectique n'est pas ce qui se partage le mieux parmi tout ce qui se croit intelligent dans le marigot et n'est pas non plus le fort de ces âmes stériles qui mènent follement le monde à son crépuscule.

Alors, puisque rien ne peut faire pièce à l'indigente raison, je me range à la philosophie qu'il faut laisser les choses couler d'elles-mêmes, abandonner à "la puante voirie" le soin de charrier ses égouts jusque dans les profondeurs d'horreur et d'oubli. 

Je ne retiendrai du monde, pour bien mourir, que la magie de sa lumière, les échos de sa beauté et son chant d'espérance. Ma dernière pensée sera que la poésie est le rêve de la vie et de notre être d'infinité. Que notre bonheur si passager renferme des souvenirs d'éternité.

Je repenserai peut-être aussi à ces détresses que je n'ai pu secourir comme il eût fallu, comme mon cœur l'eût désespérément souhaité et qui me hantent jusque dans mon propre abandon. Je demanderai pardon. Pardon de quoi? d'être un pauvre errant et un pauvre pêcheur? Oh seulement, et c'est bien assez, d'avoir fini par baisser les bras dans l'épuisement de l'éternel combat! le combat de la pauvreté et de l'innocence, de l'être nu face à son destin d'anéantissement? Mon nom est Makoi Yosokoyi, c'est du moins le nom de ma race céleste, la race des hommes. Je dois bientôt rejoindre le fleuve d'étoiles d'où coule les semences inaudibles de la stupeur et de la déraison. Comme les roses de Baïf, ma vieillesse a accouru aussitôt que m'a jeunesse a paru. Et ainsi de toute chose. Je serai jusqu'à la fin comme ceux qui m'ont précédé, tantôt assez lâches et résignés ou bien généreusement impuissants, tantôt le coeur fier et plein de secrète douleur et, peut-être aussi, avec la reconnaissance de ceux qui se souviennent encore du paradis. Désormais, je ne crains plus les faux espoirs et les malentendus, je suis certain de mon fait, car chaque jour qui passe, après m'avoir tant fait languir, prépare doucement mon tombeau.

Honorius/ 12 février 2025

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.

Pour rechercher un article

Formulaire de contact

Nom

E-mail *

Message *

Archives du blog