dimanche 25 mai 2008

Le journal de Dario (1) Vers Jérusalem




Vers Jérusalem 

Dario prit la parole: "Je connais mes transgressions et mon péché est constamment devant moi ! » L’Ange de la Vie se pencha alors à son oreille : « Que prétends-tu par péché ? Cette flétrissure appartient à la morale des hommes et « la morale est la faiblesse de leur esprit». Plutôt un désir de vie, un élan merveilleux qui a grandi et brillé dans ton cœur comme un soleil, qui a fait remonter ton âme du séjour des inconscients et des morts où toute la multitude de ta race se débat dans l’ennui et la peur. ». "En vérité, reprit Dario, après avoir marché jusqu’à mon midi par les montagnes et les collines, je me suis arrêté près d’un arbre en fleurs à la lisière de la forêt, un jeune arbre éblouissant de grâce et de blancheur comme celui que chante le roi Salomon dans son Cantique. J’ai désiré m’asseoir à la fraîcheur de son ombre, écouter roucouler la fontaine de son printemps. Là, dans la douceur de l’air et des parfums je fus saisi peu à peu de troublantes rêveries. C’est alors que je reconnus l'Idole, belle comme un astre, dont l’arbre enchanteur abritait le séjour. Je fus soudain inondé de sa lumière. Une passion dévorante venait de prendre racine dans mon cœur comme l’aloès sur une colline sauvage. C’était comme un Mal étrange qui s’emparait de tout mon être, m’ôtant jusqu’au discernement et la Raison. Puis, à bout de force, je me suis agenouillé devant Elle, je lui ai ouvert mon cœur comme on s’ouvre les veines. Hélas, mes pas m’avaient égaré au repaire des trompeuses apparences et des rêves insensés. La fièvre de mes paroles rompit soudain le charme. La nymphe importunée, se dérobant à mon imploration, s’évanouit dans un souffle de la brise. Le bel arbre, qui avait ravi mes regards par sa tendre verdure et ses bouquets de pétales éclatants, se transforma dans un froissement de dédain en un squelette de branches sèches et noueuses et le chant de sa fontaine en un lit aride de sable et de gravier. Puis une voix s’échappa d’un creux du tronc roide et noirci : « Malheureux sacrilège, tu as enfreint la frontière sacrée qui sépare la dernière marche du royaume et les sommets de l'impossible, tes misérables sentiments n’y trouveront qu’une terre stérile, ta piteuse passion qu’un vide d’indifférence ! Retourne sur tes pas, fuis sans tarder l’œil du mépris et de l’opprobre ! N’avais-tu pas naguère, au doux pays de Canaan, une vigne à cultiver, une épouse à honorer, la fleur de ta descendance à chérir ? » 
Puis la terre devint dure et froide comme un sépulcre, la prairie fut soudain enveloppée de ténèbres et un vent glacé me transit le corps. Sourd aux exhortations de l’évidence et de la vérité, je crus devenir fou de douleur. Comme un ensorcelé, je courus au hasard pendant des jours et des nuits, prisonnier de ma propre existence, assoiffé de mort et de pénitence. Accablé de détresse, je sus que la solitude de l’âme est un enfer, une nuit infinie sans compassion, un désert d’amertume et de désespérance. Alors, comme le chantre des Psaumes, j'ai demandé à l’Eternel : « Aie pitié de moi, j’ai le visage, l’âme et le corps usés par le chagrin, approche-toi enfin de mon âme, délivre-la ! »Hélas, mille fois hélas, me disais-je sans cesse, je connais mes transgressions et mon péché est constamment devant moi ! Pourquoi donc encore cette litanie du péché, me murmurait l’Ange de la Vie ? Ton désir est pur comme le matin, ton regard est une adoration, ta souffrance est un flambeau !Les heures passent, longues comme des jours, les jours comme des années et l’Eternel ne répond pas. Mais un fantôme qui ressemble à ma douleur, léger comme une colombe, m'accompagne lentement au rythme de mes pas. Son visage est pur comme le soleil, son regard profond et apaisant comme une caresse, son corps est «un bouquet de froment entouré de lys ». Souvent encore, il l’attend en souriant près de la prairie illuminée de fleurs, au bord du gué où son cheval s’abreuve. On y entend l’eau qui coule éternellement et le vent dans les feuillages. Dès que je l’aperçois, mes yeux pleurent des larmes d’enfant et mon cœur bat si fort ! je lui prend la main et, mon regard plongé dans le sien, je m’imagine enfin enlacer le bonheur, tenir contre mon coeur le grand oui de la Vie, celle qui n’existe qu’ailleurs. 
Ô Jérusalem, le cœur de chacun est un abîme… Mais l’Eternel daignera-t-il bientôt verser sur mon front le souffle de la paix et de l’oubli ? Plus tard peut-être, pas maintenant, pas encore… 
Le jour en effet poindra où je quitterai les sentiers du chagrin et du doute. J'accomplira avec allégresse la parole de l’Eternel, je rendrai grâce à sa grande Sagesse. Comme le poète aux semelles de vent, je demanderai pardon de m’être nourri de mensonge et je concevrai de nouveau ce qui est juste et bon. 
Oh que l’Ange de la Vie emporte dans les nuées mon beau fantôme de douleur… 
Ainsi soit-il". 
Ainsi finit la première confession de Dario. 

Honorius/Les Portes de Janus/25 mai 2008 






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