samedi 9 mai 2020

Le Monde d'Avant: Le seul monde réel.

Voici une pépite dénichée dans l'édition du Canard Enchaîné du 6 mai 2020, sous la rubrique "Confinés de canard". Il s'agit d'un entrefilet que je rapporte tel quel. Il vaut son pesant de gratons.

Angoisse du Patronat suisse: et si les salariés et les consommateurs prenaient goût au confinement? Dans sa publication hebdomadaire (15/4), le Centre patronal sonne le tocsin: "Il faut éviter que certaines personnes soient tentées de s'habituer à la situation actuelle, voire de se laisser séduire par ses apparences insidieuses; beaucoup moins de circulation sur les routes, un ciel déserté par le trafic aérien, moins de bruit et d'agitation, le retour à une vie simple et à un commerce local, la fin de la société de consommation...Cette perception romantique est trompeuse" Et même paniquante pour le tiroir-caisse...

 Ce qui vaut pour le patronat suisse vaut pour tous les patronats, oligarchies, multinationales et leurs relais politiques. "Le monde d'après", c'est tout simplement le retour à la réalité du "monde d'avant". La prise de conscience que la pandémie du coronavirus a semblé devoir révéler sur les tares de notre civilisation mondialisée, sur ses modes de production et de consommation, sur les conséquences intenables qu'ils font peser sur l'environnement et la santé humaine, restera bien lettre morte, au moins cela a le mérite d'être clair. Vous rendez-vous compte, un monde où la dimension humaine recouvre ses droits naturels, un monde moins agité, moins bruyant, moins pollué, plus solidaire, une nature apaisée comme jamais, une vie plus saine, une consommation de produits de terroir en circuit court, un retour à une certaine frugalité après les gabegies délirantes de la surconsommation, quel véritable cauchemar! 
Non, le seul monde possible, le seul monde réel, c'est bien le monde d'avant le confinement, celui de la concurrence, de la compétitivité, du béton, des autoroutes, de la malbouffe, des grands projets inutiles, des dividendes, des politiques répressives et anti-sociales. La récréation est sifflée! retour au boulot pour tout le monde! L'institut Montaigne, ce très chic groupe de réflexion et d'influence ultralibérale, qui inspire depuis vingt ans les politiques publiques dans le sens de l'intérêt des classes dominantes, prépare déjà le terrain en préconisant l'augmentation des heures journalières de travail, la suppression de jours d'ARTT et de jours fériés, évidemment sans contrepartie, pour rattraper le temps et les profits perdus. Les intentions et le discours punitifs sont en marche! Un comble lorsque l'on apprend que les entreprises du CAC 40 verseront à leurs actionnaires en 2020 autant de dividendes que les années précédentes. Montaigne, l'humaniste, le critique des moeurs de son temps et de tous les temps, n'aurait pas manqué de brocarder tous ces mirliflors de la pensée économique. Montaigne reste résolument étranger au monde des arrogants et aux supercheries de l'intellect.

Alors que se profile le jour du "déconfinement" nous savons aujourd'hui que "le monde d'après" est totalement à inventer. Nous connaissons pourtant le cap à suivre, les mesures préalables à adopter, les principes vertueux à poser, les habitudes de mal éduqués à surmonter pour rendre le monde plus habitable. Nous savons que continuer dans la même direction est suicidaire. Mais nous savons malheureusement aussi que "le monde d'avant", qui regroupe désormais dans le même sac tous les réactionnaires de "l'ancien monde" et les fumistes du "nouveau monde" macronien, resserrera son emprise sur nos vies pour n'y rien changer, et qu'elle sèmera des réactions allergiques de plus en plus exaspérées et violentes de la société civile. 


Oui, "le monde d'après" est un rêve romantique de vie, de paix, de liberté, de solidarité sociale, et d'écologie, bien loin des aliénations, des aberrations et des crimes qui nous ont conduits au bord du gouffre. Ce n'est pas l'Institut Montaigne qui, dans sa grande sagesse,  se perdra dans des rêveries de ce genre pour encourager le changement. Avec lui et la clique qu'il représente, c'est du concret!

Honorius/le 9 mai 2020



Les temps modernes Charlie Chaplin (1936)





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