mardi 6 février 2007

Le vieux chêne


Assis près de la cheminée, mon regard fixe le foyer qui craque et crépite, faisant danser des ombres contre les murs.
Le spectacle du bon vieux foyer dans l’âtre invite si bien à la rêverie et à la méditation, comme tous les phénomènes particuliers de la nature dont s’imprègnent les sens à l’écoute, libérés des tensions artificielles du temps.
Un paysage, un murmure d’eau courante, les sons paisibles de la terre, offrent en effet autant de perceptions subtiles de l’essence vivante du monde.
Et puis, je repense à mon père, à la plénitude de son exemple, à l’amertume de sa longue pénitence, lui qui fut tout mon espoir, ma force et ma fierté.
Y-a-t-il seulement un jour, une heure qui ne soient habités de son souvenir, du regret de n’avoir pu le serrer fort, avant qu’il ne quittât cette vie, une dernière fois ?
Quelle détresse infinie pour un être humain que de se sentir soumis à la conscience de l’inéluctable, résigné à la déchéance qui vous traîne de longs mois dans des couloirs obscurs de souffrance et de solitude !
S’il est une grande misère morale de l’homme, qui, comme un animal accablé, sent approcher l’ombre de la mort, c’est bien celle que je lus dans les yeux désemparés de mon père, celle que l’on reconnaît aussi dans le regard noyé et perdu des condamnés.
Il est pourtant parti, seul, pour l’ultime voyage, sur la route sans retour ;
Hélas, je ne fus pas là pour accompagner ses derniers pas jusqu’au seuil de cette porte inconnue, là où s’évanouissent la parole et la mémoire.
Je ne fus pas là pour le tenir encore un instant près de moi, lui prodiguer, pour dernier viatique, ces quelques mots d’amour et de réconfort, un dernier geste d’adieu et d’affection, un peu de chaleur à emporter dans le froid glacial de la grande nuit !
J’ai porté ses cendres en terre, le matin du mercredi 11 octobre 2000, un matin pluvieux d’automne, au pied d’un jeune chêne, près de notre maison à St Romain. Ce baliveau qui s’affermit d’année en année deviendra plus tard un arbre haut et puissant, un prodige de la nature !
Et lorsqu’à mon tour je me ferai vieux et serai près de mourir, je sais que mon père sera là, près de moi, comme au temps de mon enfance, me montrant encore l’exemple de sa force et de sa grandeur !


Honorius/ Les Portes de Janus/6 février 2007
    

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