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Nuage de la tempête qui arrive. Saint Romain de Popey le jeudi 12 août à 17h54 |
Le jeudi 12 août 2021 vers six heures du soir, une violente tempête s'est abattue dans notre région. Des vents dominants d'Ouest/Sud-Ouest accompagnés de très fortes pluies, heureusement ici sans grêle, se sont déchaînés en rafales tourbillonnantes pendant trois-quarts d'heure. Des arbres arrachés, des branches épaisses comme vingt bras, tordues, déchiquetées, envolées. Depuis plus de vingt ans que j'habite à Saint-Romain de Popey, je n'ai jamais connu d'intempérie d'une telle intensité.
Nous assistons comme les scientifiques l'ont annoncé, à une intensification des phénomènes extrêmes causés par le réchauffement climatique. Tandis que partout dans le monde les cyclones et les inondations ravagent des régions entières, que la sécheresse, la canicule, les incendies monstres en dévastent tant d'autres, jusqu'aux faubourgs des grandes villes, nous voyons tous ces fléaux venir peu à peu jusque devant nos portes, de plus en plus violents et destructeurs. Voyez en effet, près de chez nous, les inondations catastrophiques de la vallée de la Roya, dans les Alpes Maritimes en août 2020, les crues et affaissements de terrains dévastateurs en Belgique et en Allemagne au mois de juillet de cette année, qui ont causé la mort de près de trois cents personnes. Nous savons que l'accélération du réchauffement climatique est une conséquence des activités humaines sur terre. Ces activités rejettent aujourd'hui plus de gaz à effet de serre que la planète n'est capable d'en retenir. Nous savons de ce fait qu'il est urgent de mettre un terme à la déforestation, à la surexploitation des ressources, aux activités polluantes, à l'artificialisation effrénée des sols, à la civilisation des énergies fossiles dont notre système se gave et crève.
Les spécialistes du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) nous donnent encore un délai de dix ans pour réagir, c'est-à-dire pour revenir à un niveau de production de carbone que les capacités d'absorption de la terre pourraient en théorie compenser. Est-ce tenable, sachant que ces mêmes spécialistes nous donnaient encore un délai de trente ans, il y a vingtaine d'années. Cette situation est aussi absurde qu'effrayante. La banquise fond, les océans montent, on décèle les premiers signes de la disparition du Golf Stream, ce gigantesque courant océanique régulateur du climat planétaire, sans lequel la moitié du globe serait transformé en glace et l'autre en désert aride.
On nous rétorque: Vous réclamez le désengagement de l'humanité de la civilisation de la croissance à laquelle commencent à accéder les masses de ce que l'on nommait naguère "le Tiers Monde". Voulez-vous leur interdire de produire, de consommer, de polluer, de détruire, de se fourvoyer dans les mêmes errements que ceux qui sont encore les nôtres, voulez-vous tout simplement leur interdire l'accès au bonheur? Hélas, il n'y a donc pas d'autre choix que de laisser les vannes grandes ouvertes, alors que les océans débordent de plastique et pourrissent sous les marées noires, que les continents brûlent, que les glaciers s'assèchent et que les fleuves acides roulent leurs boues de poisons.
On nous rétorque: Vous prônez un idéal de décroissance incompatible avec le système économique global, avec la politique d'enrichissement des multinationales et des actionnaires, créatrice de progrès et de prospérité, la seule politique qui puisse positivement mener et régler le destin du monde. Vous voulez tous nous appauvrir, nous ruiner, nous faire revenir à l'Âge de Pierre! Vous êtes aussi indécents qu'utopistes! Hélas, encore, il n'y a donc pas d'autre choix que d'accepter la finalité de ce Progrès-là, sur une terre en surchauffe où la vie sauvage a déjà commencé sa sixième extinction de masse, où des centaines de millions d'êtres humains crèveront là bientôt de soif et de faim, tandis qu'ailleurs ils seront bientôt emportés par la montée des eaux.
Alors que faire? Ripoliner, rapiécer, feindre et toujours mentir, maintenir l'illusion d'une bonne volonté tout en préservant l'essentiel de notre confort superfétatoire et de nos intérêts, surtout ceux, énormes, de ces groupes de milliardaires, de leurs réseaux, et de leurs relais, de tous ces piteux démocrates et vrais dictateurs unis dans la même goinfrerie?
Une 26ème conférence sur le climat doit se tenir en Ecosse à à Glasgow en novembre prochain. Après le constat d'échec de la précédente mascarade, il y un an, les Etats Unis et la Chine, les plus gros pollueurs de la planète, s'entendront-ils pour s'engager sérieusement à réduire drastiquement leurs émissions de gaz? On peut en douter. On peut aussi pour cela compter sur le travail de sape des groupes de pression, infiltrés dans tous les rouages de décision, pour annihiler la moindre initiative contraire à la logique infernale "du toujours plus", toujours plus de rentes et de profits sur la misère. De toute façon, qui pourrait aujourd'hui espérer et encore plus se convaincre que l'humanité puisse avoir l'intelligence de sortir de cette impasse inédite? Le dérèglement climatique que le monde subit aujourd'hui est la conséquence mécanique et physique des activités humaines d'il y a une trentaine d'années. Même si toute cette gabegie délirante devait s'arrêter maintenant, même si l'humanité devait à la seconde disparaître magiquement de la carte, l'emballement du réchauffement se poursuivrait encore pendant des décennies. Le convoi fantôme continuerait à rouler follement sur son erre.
Alors tous ces magnats aux parachutes dorés, qui ont déjà réservé leur survie sur Mars, tous ces chefs d'Etat à principes cyniques et à belles cravates, tous ces super écolos, tous ces menteurs et hypocrites accrédités, peuvent sourire devant les caméras et prendre la pose sur les tapis rouges. Oui ils peuvent sourire bêtement avec leur réélection en tête, leurs hochets dérisoires et leurs comptes en banque qui débordent: L'humanité transpire, souffre et suffoque toujours plus chaque année, le monde vivant agonise. Bienvenue à tous au seuil de l'Enfer! En vérité nous sommes déjà cuits.
Honorius/ Les Portes de Janus/Le 15 août 2021
"...Vos pas ont-ils un but? Vous courez, mais vers quoi?
Allez-vous quelque part? Où s'adresse la quête?
Si d'un courant vainqueur entraînant homme et bête
Le flux se précipite, où mène le convoi?"
Théodore Monod (août 1963)
"Ensuite descendra sur ces débris flottés,
Pacifique, vainqueur et royal, le Silence..."
Théodore Monod (octobre 1963)
"Le productivisme, l'un des symptômes les plus significatifs de la maladie qui nous ronge..."
Théodore Monod
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