Dans le respect de l'environnement

Cliquez: carte des grands projets inutiles

Il y a environ quinze ans, je reçois successivement plusieurs dépliants, vantant l'aménagement de la zone d'activité de Sarcey, celle du lieu de La Poste à St Romain de Popey et encore celle de la Plagne à Bully. Là se trouvaient auparavant des vallons, des prairies, des champs, des ruisseaux et des cultures, Pouah! Un laïus accompagne à chaque fois la présentation de ces projets de toute beauté, apportant la complète assurance, comme si on pouvait en douter, que ces réalisations se feront "dans le respect réglementaire de l'environnement". Il y a dix ans je reçois un nouveau dépliant, vantant la construction de l'autoroute A89, orné d'un fond de silhouettes forestières et de cervidés. Des centaines d'hectares de terres naturelles allaient recevoir ce grand projet d'avenir, avec un échangeur planté au coeur du parc séculaire du château d'Avauges. Mais les aménageurs apportent opportunément la même assurance: "dans le plus grand respect réglementaire de l'environnement". Il y a trois ans, je reçois un dépliant, encore un, vantant l'installation d'un immense bâtiment de stockage de la Sté Boiron à la sortie de l'autoroute doté d'un parking démesuré, avec la même assurance que tout a été strictement pensé "dans le respect scrupuleux de l'environnement". Il y a deux ans, je reçois un nouveau dépliant vantant l'installation de gigantesques entrepôts logistiques sur une surface de quarante hectares jouxtant le tènement Boiron, là encore, nous assure-t-on, "dans le plus grand respect de l'environnement", et surtout pour la "revitalisation de notre territoire où il fait bon vivre", qui ne sera plus, non jamais plus "un de ces énièmes territoires périphériques à la traîne". Tant de sollicitude si bien exprimée, c'est beau comme l'antique.

Mais le bonheur, Dieu soit loué, n'est pas que dans notre pré. Partout florissent tant de promesses riantes de développement. Je consulte la carte de France des grands projets d'équipements et d'infrastructures, qui combleront tant de besoins insatisfaits, tels que de nouvelles routes et autoroutes, de nouveaux complexes touristiques et commerciaux avec leurs parkings de milliers de place, d'autres viaducs, des exploitations de carrières en zones naturelles, toujours plus de zones logistiques et d'activités, des centrales de bio-masse, dévoreuses de forêts, de superbes poubelles nucléaires et des poubelles tout court etc. et partout toujours plus de camions et de bagnoles, comme le flot ininterrompu des globules vivifiants de la croissance. Je constate avec conviction, d'après les garanties irréfutables fournies en toute sincérité et transparence par les promoteurs, que tout a été prévu pour les concilier avec la réglementation sur l'Environnement. C'est à se demander pourquoi il y a autant d'opposants contre ces réalisations intrinsèquement vertueuses, qu'ils désignent comme "Les Grands Projets Inutiles Imposés". Vraiment, c'est qu'ils doivent être mal informés. Je pense en vérité qu'il y a quelque chose de profondément indécent dans ces contestations se réclamant de la prétendue défense de l'écologie, à jeter ainsi l'opprobre sur la sagesse de nos institutions. "Concilier l'extension des activités économiques et le respect de l'environnement", a toujours été l'objectif affiché par les décideurs locaux et les relais de l'Etat, notamment lors des dernières élections. Un objectif clair, rationnel, garant des grands équilibres, porteur de tant d'avenir et d'espérance, qui devrait inspirer confiance les yeux fermés. Pourtant, cela devient vraiment agaçant, certains y dénoncent systématiquement "l'alibi du pire", comme ils disent. On ne voit pas où ils vont chercher tout ça. Quand je les vois à la télé recevoir de bons coups de matraques sur le crâne devant l'arrivée des pelleteuses, hommes et femmes de tous âges, on se dit qu'il y a quand même une autorité salutaire dans ce pays.

Ah, oui, cerise sur le gâteau, la justice vient de donner son accord, il serait grand temps dira-t-on, pour l'exploitation d'un gisement minier en Guyane française, appelée "la Montagne d'Or", au profit de multinationales étrangères. Les opposants, encore eux, dénoncent les conséquences, selon eux désastreuses, sur l'environnement: déforestation massive, effondrement du milieu naturel, empoisonnement des sols, des nappes phréatiques et de rivières par le déversement de centaines de tonnes de cyanure, acide nécessaire à l'extraction de l'or, destruction des biotopes etc. Une pure affabulation sans aucun doute lorsque l'on sait que, là aussi, toutes les assurances ont été données par les exploitants eux-mêmes sur le respect vigilant des normes environnementales. Tous ces va-nus-pieds qui se plaignent à tout bout de champ alors que cette nouvelle activité inespérée va créer quelques dizaines d'emplois.

Je contemple le panorama qui s'étend devant moi, les collines naguère agrestes du Bas Beaujolais, les terroirs naguère bucoliques où en quelques années des centaines d'hectares de terres nourricières ont déjà été bitumés ou sont en voie de bitumisation, à l'entrée pittoresque de mon village. Je considère tout ce qui est imposé, pardon, "proposé dans la concertation" ici et partout ailleurs et je me dis: C'est quand même beau tout ce que l'on fait pour nos campagnes "dans le respect le plus rigoureux de l'environnement". Et je me dis enfin, avant d'aller me coucher, la conscience paisible, comme dans la prière eucharistique: "Cela est juste et bon!".

Honorius/ le 7août 2021