
Confucius
Il en faut assurément de l'esprit de pénétration pour appréhender la complexité du monde cynique, brutal et absurde où s'agite l'humanité, d'une telle incroyable complexité qu'il faut avoir brûlé ses nuits dans l'étude de tout ce que les sciences humaines ont accumulé de fatras de théories, d'analyses, d'expertises, de prospectives et d'élucubrations. En vérité, toutes ces funestes rengaines de la politique, de l'économie, du droit, de la sociologie et de leurs avatars, peuvent-elles encore prétendre servir à elles seules la finalité et le sort de l'humanité? Toutes ces sciences à diplôme, dont on fit des agrégations et des doctorats, peuvent tout autant être utilisés comme des instruments de pouvoir et de domination. L'homme est-il à ce point insensé qu'il imagine émanciper son destin en s'appliquant à resserrer davantage, sous couvert de science, les liens de sa propre aliénation? L'inertie de l'habitude, des croyances et de l'éducation, se prêtent aisément aux intérêts parfaitement identifiés qui ne visent qu'à maintenir le monde dans ses tares, ses errements, ses contradictions et ses buts insensés. Si la conscience individuelle parvient à entrevoir l'absurdité des normes et des dogmes qui entravent et astreignent notre condition commune, l'humanité, dans sa marche collective, investit l'essentiel de ses facultés à les servir et à y sacrifier. Il manquerait dans tout cela que la lumière d'un peu de philosophie pour l'éclairer à plus d'intelligence et de vertu. Non pas que nos contemporains soient capables de moins de qualités morales que leurs prédécesseurs, mais sans doute d'un peu plus de d'inconséquence et d'ahurissement, car la somme inégalée de leur connaissance, qui devrait élever le sens de leurs responsabilités, ne les préserve même pas de leur propre aveuglement.
Nous continuons collectivement à ne voir dans l'entité sacrée du monde et des êtres vivants qu'une ressource à surexploiter, qu'une beauté à enlaidir, qu'une destruction et une souffrance à infliger, qu'un gain sordide à en tirer, et n'avançons parmi nos semblables qu'avec l'impatience d'accaparer, d'accumuler et de dominer. Chaque jour, nous nous détournons un peu plus du sens de l'existence, nous injurions et détruisons l'Harmonie. Nos connaissances ne nous servent à rien et le temps de l'Evolution se retourne contre nous.
Pourtant l'individu sensé n'aspirerait qu'aux bienfaits d'une vie simple en accord avec l'ordre de la nature. Ce n'est malheureusement pas le chemin que préfère suivre le mouvement général de la société, avec sa science éphémère de la complexité, de la technologie et de la gestion, son horizon dévasté, son "désastre organisé" (Cioran)
L'humanité ancienne possédait déjà la connaissance de l'Essentiel, tout entière plongée au coeur de la conscience métaphysique. Aucune de nos sciences actuelles, de nos prétendus progrès et de nos prétendues vérités n'y ajoutent rien de fondamental, bien au contraire, car sa philosophie de l'être, tournée vers les profondeurs et résonances de l'esprit, était étrangère à cette obsession de la matière qui caractérise notre modernité, laquelle croit encore bêtement s'accomplir en niant la dignité du monde. Notre seul exploit sera de nous anéantir dans la misère de notre propre intelligence.
Vingt cinq siècles après Lao-Tseu et Confucius, Sénancour nous rappelle que: "Tout ce que l'homme éprouve est dans son coeur: ce qu'il connaît est dans sa pensée. Il est tout entier dans lui-même". (Oberman 1804).
Alors qu'attendons nous pour retourner en nous-mêmes, pour chasser de notre coeur les tourments de la vacuité, les rages de la frustration et retrouver enfin la voie espérée de la sagesse?
Honorius/ Les Portes de Janus/ Le 29 juillet 2021
Le temps est le présent. L'avenir n'est que son apparence. Vis en toi-même et cherche ce qui ne périt point (Sénancour)
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