L’esprit a son jardin secret, son domaine élyséen où errent, comme des fantômes familiers, les visions de la personnalité profonde, d’autres diront peut-être les intuitions d'une vie déjà vécue, une sorte d'éternité de soi-même.
Aussi, j’ai en mémoire le songe d’un vieil âge doré, une espèce de « fantaisie » nervalienne de vallons et de collines au soir couchant, des terrasses à balustres, des allées de sommeil et de silence, des boiseries irisées d'acajou, enfin, quelque chose comme l’atmosphère exquise d’un automne idéal, dans la douce et chaude mélancolie des couleurs et des lumières. Toute présence de corps et de visages, de surface rugueuse d'humanité, toute velléité de communication et de mouvement, semblent savamment cachée et enfouie dans la trame même de ce qui est et qui repose dans cette sorte de nécessité mystérieuse de l'évidence. Je n'y ressens que l'haleine subtile et l'ondoiement poudroyant et suspendu de ce que j'imagine comme des formes. Serait-ce un décor de toile peinte de l'onction incertaine et mouvante des saisons, qu'imprègnent l'illusion patiente de la profondeur de ses perspectives, une sorte d'abstraction des sens épurée de toute dissonance? Et moi-même que suis-je dans la perception de cette lenteur fuyante, de cette limpidité aux contours d'évanescence?
J’y tiens la place invisible d’une ombre attentive parmi l’équilibre immobile des choses…Une ombre toute aussi immobile, absorbant et recréant à l'infini le flux des sensations et de la conscience de ces semblants de choses, de ces soupçons d'apparence, comme une émanation évidente et confiante de moi-même. Leur essence surannée exhalent ces bontés de langueur et de plénitude où je reviens trouver le repos, car mon âme cherche sans cesse le repos où est sa véritable demeure.
Je sais que cette étrange dissolution du rêve, cette trouble aspiration de la volonté à créer des espaces illimités de bonheur et de liberté, est indissociable de la poésie et de la musique, ce qui est tout un ; et je ne sache pas de meilleur motif qui permette de reconnaître une valeur quelconque à l’obligation mentale de vivre, et qui rachète la condition d’une humanité condamnée à l’éternelle abjection de sa grossièreté.
Mozart, à lui seul, pourrait en effet racheter le genre humain. Voire, la beauté bouleversante de la «chanson du mal aimé » de Guillaume Apollinaire, présentait aux yeux d’un mien et cher ami la preuve incontestable de l’existence de Dieu.
Je le prends volontiers au mot : la poésie est le langage de l'esprit, la seule promesse de paradis et de vérité de l’homme.
Honorius/ Les Portes de Janus/Octobre 1998
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