La première sonde "Voyager" envoyée dans l'espace il y a quelques décennies pour observer l'univers s'approche inexorablement des frontières de notre système solaire. Elle a survolé Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune et communiqué des informations extraordinaires sur la composition de leur atmosphère, de leur structure et de leur environnement satellitaire, comme ces lunes de Jupiter, recelant des océans souterrains, ou agitées d'activités volcaniques. Ses derniers messages-radio mettent une vingtaine d'heures pour nous parvenir. Mais sa mission est presque terminée. Ce sera bientôt le grand plongeon dans le vide intersidéral, le silence des profondeurs et de l'oubli, vers d'autres nébuleuses.
Voilà déjà deux hivers que tu as pris ton envol au-delà de ce monde. Deux années-lumière. Ton existence ne subsiste plus que dans mon souvenir. Et qu'est-ce que le souvenir, sinon une intuition, une essence, une poussière mentale de l'éternité? Et lorsque tu auras atteint la frontière cosmique où s'évanouit pour toujours le lien vivant de la mémoire, lorsque tu auras envoyé le dernier signal, j'aurai à mon tour quitté le jardin terrestre.
Notre Néant au sein de cet Infini, est-ce de la poésie pure, est-ce au contraire le frisson de l'horreur absolue? Car l'idée de l'éternité peut être une sensation effrayante. Effrayante par le simple fait même qu'elle puisse être une sensation. Il faut se méfier de la perception de nos sens, elle ne nous transmet que des a priori, c'est-à-dire une intelligence trop dupe de la matière. Qu'y aurait-il d'effrayant à ne plus compter pour rien dans le temps, à être dissous dans tout, partout, au même instant, affranchi de la peur et de la solitude?
Tu auras envoyé le dernier signal, annonçant l'heureuse nouvelle: nous vivrons enfin dans la même âme.
Honorius/Les Portes de Janus/le 26 février 2021
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