samedi 24 décembre 2022

La nuit de Noël


Le temps de Noël, sous nos latitudes septentrionales, est naturellement associé à un paysage de neige. Et pour cause, les hivers de nos ancêtres, que ne concernait pas encore la déconfiture du changement climatique, étaient des hivers rudes, qui nous ont laissé le souvenir de nuits impénétrables et de froids de loups. Noël sans neige, cela sonne moins authentique, comme une poésie fêlée, Mais qu'y a-t-il encore de moins authentique et de plus tristement ordinaire qu'un Noël purgé du sens de la Nativité? Sa symbolique chrétienne a été évincée de la représentation collective, comme une maladie honteuse, au nom du principe de laïcité, de neutralité et de toutes les fadaises contemporaines de l'abandon et du renoncement. Certes, il y a le bonhomme Noël, avatar passe-partout des légendes de Saint Nicolas et des lutins de contes pour enfants, qui avait conservé encore un peu d'innocence, bien qu'il eût merveilleusement concurrencé le petit Jésus en crêche avec sa caverne à jouets et l'étoile du berger, avec son traîneau céleste. Mais lui aussi est tombé bien bas, en cabotin de centre commercial.

Je ne nierai pas qu'il subsiste dans l'imaginaire collectif, enraciné dans un substrat d'anciennes connexions cosmiques et de culture liturgique, ce que l'on nomme la magie de Noël. Elle est l'étoile d'espérance et de rédemption scintillant dans la nuit de notre humanité déchue, ravivant le souvenir de la fraternité originelle entre tous les êtres de la Création.

Lorsque j'explore les profondeurs de mon inconscient, je perçois le mystère de Noël comme un paysage de frimas et de solitude où frémit quelque part, la lueur miraculeuse d'une chaumière. J'avance dans le silence de la neige et de la forêt, irrésistiblement attiré par cette promesse de réconfort dans la longue épreuve des ténèbres. L'hospitalité du foyer, la chaleur de l'âtre pour apaiser la peur ancestrale de l'ombre et de la mort, le dégoût des autres et de soi-même, et pour se réconcilier avec la meilleure part de notre humanité, tel est donc l'esprit de Noël, un appel mélancolique qui, émergeant du solstice de l'hiver nous, convie à interroger le sens de notre existence.

Hélas, Noël, qu'il soit scandinave, galiléen ou provençal, n'a chaque année que le destin ténu  d'un feu de paille, mais un feu de paille qui, comme le chantait Georges Brassens, a resplendi à la manière d'un feu de joie. Au  lendemain de cette songerie poétique, où la réalité inhumaine  a paru un instant suspendue, tout ce qui fait le poids dérisoire de nos vies et la turpitude de nos consciences engourdies reprendra obstinément son cours.

Honorius/ Les portes de Janus/le 24 décembre 2022



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.

Pour rechercher un article

Formulaire de contact

Nom

E-mail *

Message *

Archives du blog