Voici un petit article rafraîchissant paru dans le bulletin municipal de Saint-Romain-de-Popey (Rhône) de l'année 2020.
Rien d'original que ce type de feuille de choux d'aspect faraud, farcie de platitudes et de lieux communs où l'on apprend que tout est au mieux dans le meilleur des mondes et qui nous donne à tous comme un air de famille. Chacun d'entre nous le reçoit en fin d'année dans sa boîte à lettres et on se prend à le feuilleter distraitement à ses moments reclus de recueillement intime.
Mon attention est attirée tout de même, au passage, par ces trois images illustrant cette espèce d'entrefilet. Un renard, deux chevreuils et un lapin. Serait-ce une invitation au goût et à l'observation naturalistes des dernières petites espèces sauvages qui nous font encore l'honneur de leur présence dans notre belle campagne, ou du moins dans ce qu'il en reste? Serait-ce un appel ému et clairvoyant à la préservation de notre biodiversité toujours plus menacée et vouée à disparaître? Est-ce un support pédagogique de sensibilisation aux sciences de la nature si chaleureusement dispensées aux jeunes enfants dans nos écoles? Que nenni! C'est bien tout le contraire. C'est bien l'invitation à en remettre une couche! Car le titre en grosses lettres noires et rouges nous rappelle instantanément à la triste réalité, comme un coup de feu qui claque: SOCIETE DE CHASSE.
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Bulletin Municipal de Saint Romain de Popey (69) décembre 2019 |
On reste perplexe devant la motivation affichée: "Pratiquer le loisir de la chasse tout en sauvegardant l'environnement rural". Mon Dieu est-ce possible? On sent pourtant comme une antinomie. Il n'empêche, on serait vraiment heureux, si cela se pouvait, de tant de sollicitude: En quoi consiste pour ces divisions armées de chasseurs la "sauvegarde de l'environnement rural"? S'agirait-il d'une de ces méthodes douces, raisonnées, comme on cultive un jardin avec passion, patience et tendresse? Serions-nous devant une pratique cynégétique novatrice, fondée sur l'éthique environnementale, c'est-à-dire sur la sagesse du discernement et de la sobriété, laquelle consiste à ne pas défourailler à tout va sur tout ce qui semble vaguement bouger, enseigne à ne pas tuer inutilement, à prélever en conséquence dans la nature juste ce qu'il faut et au moment où il faut et pour les seuls motifs de nécessité. Vraiment, nous ne connaissions pas notre bonheur à ignorer tant de clairvoyance, tant de justesse et d'à-propos, tant de louables desseins.
Mais non, je vous arrête, vous n'y êtes pas du tout. Vous confondez avec un autre film. Nous sommes toujours, hélas, dans le monde le plus ordinaire habité par les consciences les plus ordinaires. A observer autour de nous la médiocrité du sens moral en matière d'écologie, penserions-nous en vérité qu'il pût en être autrement?
Nous savons ce qu'il en est: Calomnié, décrié, l'animal sauvage est pourtant devenu bien rare dans nos campagnes périurbaines toujours plus minées par les nuisances utilitaires, la pollution, les dégradations, le brouhaha et les pesticides. Mais cela ne suffit pas, il faut encore pourchasser les derniers survivants, les traquer, les exterminer dans les frêles repaires qui se réduisent comme peau de chagrin, aller encore les buter jusque dans la rigole des parkings et des lotissements.
Ces animaux que nous voyons-là en photo, qui mériteraient bien mieux de constituer des sujets d'observation intelligente et désintéressée, qui interpellent notre conscience du respect de la vie et notre quête de vertu, ne représentent en fait que de pauvres cibles (une balle en pleine tête de préférence, pour l'effet de la performance), pour le loisir des gens les plus ordinaires dans ce monde tristement ordinaire qui leur ressemble.
Alors un grand merci à nous tous, à tous ceux qui permettent à ces gens-là, Monsieur, "de pratiquer leur loisir tout en sauvegardant l'environnement."
Tue! Tue!
Post Scriptum:
Le comte Zaroff avait un loisir pour le coup particulièrement soucieux de la sauvegarde de l'environnement, qui était de chasser l'homme. Tous ceux qui échouaient sur son île devenaient bêtes traquées et achevées. Les chasses du comte Zaroff ou de l'utilité de détruire le vrai nuisible.
Tue! Tue!
Post Scriptum:
Le comte Zaroff avait un loisir pour le coup particulièrement soucieux de la sauvegarde de l'environnement, qui était de chasser l'homme. Tous ceux qui échouaient sur son île devenaient bêtes traquées et achevées. Les chasses du comte Zaroff ou de l'utilité de détruire le vrai nuisible.
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