Nous recevons le 29 juillet 2020 dans nos boîtes à lettres le dernier bulletin de la Communauté d'Agglomérations de l'Ouest Rhôdanien (COR). Nous y apprenons que le nouveau Président de ce machin est désormais, depuis le 8 juin dernier, Patrice Verchère, député du Rhône, Conseiller Régional, Maire de Cours la Ville, en lieu et place du planton Michel Mercier, lequel s'est résigné à quitter la vie politique, sans doute usé par l'exercice de presque cinquante ans de mandats divers et cumulés et de grosses contrariétés dont la justice, il en fut naguère le transparent ministre, nous rendra compte dans quelque temps.
L'heureux élu nous adresse son "Mot du Président" accompagné d'un physionoscope des conseillers communautaires pour la nouvelle mandature. Nous y voyons avec plaisir de belles trognes de terroir dont la placidité ou la jovialité inspirent d'emblée confiance. La face poupine, presque bouffie, de Patrice Verchère, nous accueille en première page, en marge de sa riante profession de foi. Celle-ci est concise et percutante comme un beau tonnerre de Brest. Voyons-voir:
Premièrement: "Agir sur le quotidien mais aussi l'avenir de notre territoire". Suivent quelques propos où l'on nous rappelle tous les mérites et les compétences dont la COR peut s'enorgueillir. Nous dirons que c'est de bonne guerre.
Puis on admire rapidement tout l'art des généralités dont use tantôt par stratégie, sournoiserie ou indigence, le discours politique en général, tout l'art en tout cas de complaire sans se mouiller. Patrizio n'échappe donc pas à la règle.
Ainsi nous lisons: "S'engager pour l'avenir de notre territoire: le développement économique, la transition énergétique, la mobilité, la politique de la ville et le soutien à l'agriculture". On souscrit les yeux fermés. Qui pourrait en effet s'élever contre de si louables objectifs?
Deuxièmement: "Soutenir nos entreprises, nos artisans, nos commerçants et donc nos emplois". On se dit que ce slogan doit forcément plaire à beaucoup de monde et que ça ne mange pas de pain. Suivent quelques mots d'autosatisfaction, ce qui est la loi du genre, puis nous abordons un terrain où la prudence est de mise, car chaque intention déclarée pouvant être très mal reçue d'une partie des sensibilités civiques, on s'empresse de la neutraliser par sa proposition contraire, à la façon d'un oxymore discursif.
On admire le numéro d'équilibrisme, le "ratisse-moi large" aux airs de lendemains qui chantent. Les conseils en communication n'ont pas eu trop de mal à sortir ce couplet, du vrai billard:
"Nous poursuivrons les projets indispensables à l'aménagement de notre communauté afin que la COR ne devienne pas un énième territoire périphérique, mais une terre dynamique où il fait bon vivre, où le partage entre espaces naturels, agricoles et zones de développement économique reste équilibré."
Ce dernier paragraphe est certes lapidaire, (N'oublions pas qu'il s'agit en somme d'une espèce de prospectus), mais sous-tend une orientation à demi-mot, celle de la bétonisation des secteurs du territoire. Cette question touche évidemment le noeud d'une actualité agitée, d'un point de vue apparemment local mais dont l'enjeu est d'une virulence planétaire. Nous savons que des forces antagonistes formidables s'affrontent désormais entre l'ancien monde dont on ne connaît que trop les visions rétrogrades, aveugles, cyniques et routinières et les urgences alarmantes de notre survie sur terre, lesquelles, bien au-delà de la prétendue préservation d'un équilibre entre espaces naturels et zones d'expansion économique, qui est souvent l'alibi du pire, appellent des options écologiques aussi radicales que de bon sens. On devine aisément derrière le masque avenant et fédérateur, ce qui suppose souvent quelque chose de constipé et de duplice dans le propos, la motivation secrète qui anime notre brave notable, le fond de l'oeil qui brille à caresser avec volupté son rêve prophétique de décideur ultra-libéral, comme on cajole un vice. On devine où son coeur balance sur ce terrain miné: La grande zone d'activités du SMADEOR dans le val de Turdine, ce qu'au moins la moitié des électeurs nomment à juste titre l'infamie. On peut reconnaître à Patrice Verchère d'être en accord avec ses convictions antédiluviennes puisqu'il n'a pas même affiché la moindre allusion à l'urgence écologique. La formule fourre-tout "la préservation de l'emploi et de notre cadre de vie seront au coeur de notre action" employée dans sa harangue publicitaire, n'est qu'un de ces poncifs incolores de vieux tréteau dénotant, il faut bien le reconnaître, une absence inconcevable de hardiesse, et qui n'est manifestement pas à la hauteur de l'enjeu. Cet enjeu interroge pourtant comme jamais notre conscience. Il enjoint nos facultés de lucidité et d'imagination à un extraordinaire sursaut de réaction, dont nous ne sommes même pas aujourd'hui, à voir ce théâtre d'ombres inamovibles, au début du commencement. Car si l'on ne peut rien attendre de précis, d'incisif ni de convaincant dans ce genre de feuille de choux où il n'est de place que pour le slogan et le verset, il n'en demeure pas moins qu'elle est destinée à glisser dans les esprits quelque chose de rampant qui se garde de claironner, mais qui annonce ou donne sournoisement un ton, une intention. Et ils ne sont à l'évidence pas rassurants sur l'avenir.
Si Patrice Verchère fait référence d'un mot à la crise sanitaire du Covid 19 alias coronavirus, ce n'est pas pour s'inspirer des enseignements qui devraient orienter une remise en cause radicale des fondements et des modes de fonctionnement de notre société, mais pour l'écarter comme une contrariété, un épiphénomène fâcheux qu'il faut s'empresser de dépasser tête baissée pour tout reprendre au point où les choses en étaient auparavant, c'est-à-dire à un point avancé de déchéance et de délabrement. Partir de zéro pour n'arriver à rien, comme disait Pierre Dac, cela ressemble tristement à la veulerie actuelle et aux courtes vues de l'action politique. Patrizio, comme tous ceux de son espèce, biberonnés à l'antique évangile libérale, ne porte décidément pas la moindre réflexion, pas la moindre ébauche de vision de ce que devrait être le chemin de l'avenir.
La parole politique en place semble tellement creuse et invariable, désespérément insensible aux secousses qui interrogent notre conscience et ébranlent les certitudes du monde éphémère où nous vivons. Vous lisez les propos d'un Patrice Verchère d'aujourd'hui, vous lisez ceux de ses prédécesseurs d'il y a cinquante ans. La transmission des idées de vieux c'est presque pire que le Covid.
Honorius/ Les Portes de Janus/ 30 juillet 2020
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