vendredi 6 juin 2025

Aux sources merveilleuses de l'oubli

 

Il est l’heure, enfin,

De t’élever vers l’infini,

Sans plus rien oser ni vouloir.


Tout coule et tout passe,

Et emporte le goût du jour,

Tu es entrée dans la grande prairie,

Qui te convie, en riant, vers la rivière,

Aux sources merveilleuses de l’oubli,


Il est temps

De laisser derrière toi,

Les rancoeurs de l’histoire,

Les mythes de la chair

et les cris de la mémoire,


Bientôt tu emporteras avec toi

les sarcasmes du destin,

et tout ce qui m’unissait, par toi,

à la douleur de l’être,

à la légende éternelle

du diadème et du royaume…


Oh enfin, en toi, et loin de toi,

disparaître et renaître,

En toi, et loin de toi,

Reposer et dormir,


Tout coule et tout passe,

Et emporte le goût du jour,

Tu es entrée dans la grande prairie,

Qui te convie, en riant, vers la rivière,

Aux sources merveilleuses de l’oubli,



En souvenir d’Angelina

août 2024

dimanche 18 mai 2025

Trois mots

Je me dis enfin qu'on ne saurait résumer l'essentiel des rapports entre l'être et le monde qu'à deux ou trois choses élémentaires. Pourquoi tout serait en effet plus compliqué que ce que m'en offre le flux limpide des apparences, lesquelles suffisent d'ailleurs amplement à mon bonheur dés lors que je n'en éprouve qu'enchantement et douceur. C'est la raison pour laquelle j'emporte avec moi le sentiment profond qu'il n'est de monde réel que ce que l'âme en perçoit et que le bonheur vécu ne cède en rien à celui que renferment les sphères de la métaphysique. En fin de compte, comme disait Giono, il y a deux maniéres de voir le monde dont l'antagonisme a pris les tours d'une violence inouïe à notre époque contemporaine. La première, digne sensibilité de l'être vivant, en respecte le mystère et la magie, ne cherchant pas à en détruire l'équilibre; la deuxiéme, cynique et aveugle,  lui fait rendre gorge en voulant l'asservir et le mettre brutalement à nu. C'est la violence du capitalisme inexpiable contre lequel toute intelligence devrait pouvoir se révolter. La révolte de l'esprit contre la matière lourde et bête. Je me sens intérieurement plus riche à considérer que l'être et l'illusion de l'être se fondent dans une méme vérité. Aussi, j'emporte avec moi le secret que les vivants et les morts ont une même demeure. Je ne craindrai plus de paraître un instant ce mannequin de cire qui vient de rendre un souffle éphémère, puisque en moi et autour de moi rayonne à jamais la joie éternelle du jour.
Je retiens accessoirement qu'il vaut infiniment mieux parler le moins possible. La jactance finit d'une manière ou d'une autre par causer notre discrédit ou ...notre perte. Se taire a beaucoup d'avantages, à commencer par celui de nous faire paraître ferme et fort, ce qui nous place en bonne position stratégique et accessoirement de nous épargner le risque du ridicule.
Je pressens que ce que l'on appelle l'amour est une sorte d'illusion dont on se dessille avec quelque rudiment de réflexion et surtout beaucoup de solitude.
On ne gagne jamais assez en caractère pour espérer exorciser ses anciennes hontes. Leurs souvenirs nous aiguillonnent avec délectation dans l'horreur du détail et de fait, nous déconsidèrent douloureusement à nos propres yeux.

Ces mots pourraient être les derniers que ce ne serait ni une grande surprise ni un grand dommage. A quoi bon s'accrocher aux misérables évidences? Je serai très bientôt sevré de moi-même, lassé à vrai dire de cet interminable dialogue intérieur, ennuyé de cette petite chambre sans grâce qu'est ma fidèle et fruste caboche. Rien ne la meuble plus désormais que le méchant lit de mon début, une table de bois dépatiné et rustique, une chaise fatiguée sur ses pieds piqués. Et une fenétre aux carreaux blafards oû se profilent des embruns de crépuscule. Nature, je t'ai tant aimée, mais face à ce chaos et ce néant qui nous étranglent, qu'avons- nous encore à nous dire? Quels mots nouveaux avons nous encore à faire fleurir pour entretenir la grâce de l'illusion? Je n'ai plus guère la force de me préserver du fardeau de mes souvenirs ni d'imaginer le poids de mes derniers lendemains. La réalité physique n'a guére plus d'importance que le songe de la pensée, réunis dans une méme abstraction. Je veux bien rester encore tant que mes jambes me soutiennent  charitablement  dans le jardin des merveilles et que mes yeux plongent dans l'horizon du monde où tout glisse et se fond. Je pense que je me serais félicité sans réserve d'être celui que je fus, si j'eusse été plus audacieux, c'est-à-dire plus conscient de ma force. On perd souvent sa vie à ne pas savoir oser et en regardant les autres le faire ou le mimer à notre place.

Selon les époques de son existence, la moitié de l'humanité fait passer le temps selon ses moyens, tandis que l'autre moitié attend qu'il passe.. Voilà à quoi pourrait se réduire toute la philosophie sociale de l'être. 
Et puis un jour on se réveille pour se rendre compte qu'on y est presque, et que ce qu'il reste de temps est déjà sur le point de nous glisser entre les doigts.
Il est bien assez d'une vie d'hominidé pour se rendre compte que toute cette mascarade du sentiment et de l'être n'a que très peu d'importance métaphysique et surtout que cette chose assez nauséabonde qu'est l'être humain est de surcroît singulièrement méprisable.
Ma foi, si je crois encore aux vertus de l'homme considéré dans son intelligence et sa sensibilité individuelle, je confesse, en revanche, exécrer l'espèce humaine plus que tout sur cette terre, en tant qu'elle répand partout le pire, en tant qu'elle est, qu'elle incarne elle-même le pire contre l'esprit et la vie.
Si je devais résumer en une injonction le sens à donner à la vie, je dirai sans hésiter: Devenir meilleur!!
Si je devais donner un conseil d'ami, ce serait: Hais et fuis tout ce qui fait honte, tout ce qui rapetisse et rabaisse ta conscience morale.
Et pour le reste je recommanderai ardemment de rester curieux de tout, d'aimer la Beauté et de vivre en paix avec soi même et avec son prochain. Rien d'extraordinaire après tout, toutes ces choses là constituent depuis longtemps depuis Sénèque, depuis Saint Augustin, depuis Montaigne, une espèce de viatique et de discipline censément universelle. Mais la sagesse n'est pas le chemin le plus couru ni même le plus désiré de nos contemporains. Cinq cent mille ans d'évolution dialectique pour en arriver aux lourdeurs organiques des Trump et des Poutine, à l'arrogance des fronts étroits, c'est bien donner peu de prix aux espérances eschatologiques. Un aéronef échouant en bout de piste après avoir raté le décollage, voilà à peu près assuré le résultat de l'aventure humaine. Ce n'est pas l'Albatros de Baudelaire, c'est la crétinerie tragique des caves.

Honorius le 17 mai 2025

jeudi 20 mars 2025

D'un neurasthénique nihiliste

Nous avons tous individuellement nos propres lourdeurs, ces lourdeurs attachées à nos fonctions vitales, à nos instincts grégaires, à toute sortes de complexions de mentalité et de tempérament. Mais nous avons malgré tout, a contrario, nos tentatives d'accéder à quelque finesse et légèreté, par l'exercice de la pensée, la culture de la curiosité et du goût, ce que les moralistes du XVIème siècle appelaient la morale et la dialectique auxquels nous ajouteront, à tout point de vue, les soins attentifs de l'âme et du corps. Tendre à plus de légèreté ce n'est pas seulement, on se l'imagine, se contenter de boire de l'eau de source, entendre le latin de Cicéron ou pouvoir apprécier la délicatesse des estampes chinoises, cela devrait être, en regard de notre dignité d'êtres sensibles, un combat, une quête, une intention résolue de chaque instant d'améliorer notre conscience morale. La règle serait que chaque jour qui passe nous rende en effet meilleur, c'est-à-dire, en l'espèce, plus légers. Hélas, l'expérience nous enseigne que les appétences individuelles pour les vertus de la légèreté ne sauraient s'aggréger les unes aux autres, pour, en faisant pièce, incliner vers le cours bienfaisant de l'histoire. Au contraire, nous voyons les mauvaises forces centrifuges et réactionnaires constamment à l'oeuvre, toute la malice indifférenciée du plus grand nombre tirant du bout opposé d'un immense ahan collectif. C'est en effet ce que démontre avec véhémence la foule aveugle, la foule enchaînée aux injonctions de la société, de l'économie et de la politique, ce que Racan appelait en son temps "les tourments de la guerre, du tiers-état et du clergé". Cette muqueuse opaque et épaisse qui est l'humanité, considérée d'une même étoffe grossière, est devenue la chose la plus affligeante, la plus pesante en l'occurrence, que le monde terrestre ait eue à supporter.

Oh, ce ne sont pas les progrès prodigieux des sciences et des connaissances qui y changeront quelque chose, les plus crétins pouvant être de ce point de vue les plus sachants en leur spécialité quand ils ne se présentent pas comme docteurs en toutes choses. Bien au contraire, étrangers par nature au perfectionnement de l'être moral, ces progrès quantitatifs ne font, en fin de compte, qu'accroître le poids de l'obésité ambiante. C'est bien le caractère de sa propre lourdeur, où prospèrent de manière tout-à-fait effrayante les passions matérialistes et utilitaires, qui conduit l'humanité à sa déconfiture, prélude, nous le savons, à sa disparition annoncée. Au point où nous en sommes rendus, il ne reste d'ailleurs plus qu'à se jeter immédiatement dans le vide ou bien qu'à espérer que cette disparition survienne prestement, à son heure la plus proche. Oui, ce serait bien le mieux qui pût arriver afin de faire grande œuvre de charité: soulager la détresse infinie du monde, celle de la terre déshonorée et des créatures martyrisées. On l'aura compris, mes imprécations répondent comme un glas à celle du Dr Destouches avec lequel je m'entretins l'autre soir fort magiquement, non pas l'affreux collabo qu'il fut hélas (un péché de lourdeur sans doute), mais l'écrivain cynique et nihiliste. Celui-ci a fraternellement converti en moi, au moins pour une partie et pour un temps, la souffrance aride du désespéré en une étonnante jubilation, incroyablement stimulante de colère silencieuse et de détachement, un de ces pains bénits que les àmes blessées, les gueux déboussolés, les épuisés de solitude, partagent avec ferveur. Tu ne veux pas de tort à ton prochain, car tu es juste et bon, et ton prochain l'est le plus souvent autant que toi, mais tu méprises l'humanité pour le peu de considération qu'elle a pour sa propre dignité et son propre avenir. Alors, me direz-vous, on se console comme on peut à l'exemple de notre cher professeur Lao Tseu, selon lequel, cela tombe bien, "le lourd est à la racine du léger et l'immobilité à l'origine du mouvement". Ce qui importe le plus sur le chemin de la vertu est de rester "maître de soi". Car rester maître de soi c'est dominer l'agitation qui nous alourdit, c'est donc gagner en légèreté en quelque sorte. Il n'est nulle nécessité pour y parvenir de décliner des qualités de moine yogi ou d'ermite cénobite. Il suffit d'aimer la nature en jardinier, en poète, en botaniste, en artisan des belles choses, prendre soin de la vie, fuir la jactance du vulgaire et l'aveuglement des basses passions, faire et dire en toute chose juste ce qu'il faut pour maintenir l'harmonie. L'esprit de vertu et de légèreté est par conséquent à la portée de chaque individu. Avoir compris cela c'est faire ses premiers pas sur le chemin de lumière. Ahé!

Seigneur, qu'ils meurent enfin tous et que chacun à la fin des temps, au moment de renaître, se dise:
"Maintenant je suis léger, maintenant je vole, maintenant je me vois au-dessous de moi, maintenant un dieu danse en moi.
Ainsi parlait Zarathoustra."


Honorius - le 16 mars 2025 - Propos d'un neurasthénique nihiliste

mardi 18 mars 2025

Le chant du coucou

Ça sulfate à mort de l'autre côté du paravent dans un bruit strident de machine emballée. J'imagine le carnage, l'horreur suintante de la terre brûlée qu'on répand avec une lourde allégresse. Le monde d'avant et le monde d'après, voyez-vous, sont les pourvoyeurs des mêmes stupeurs. En fait, ils sont une immense foutaise, surtout le monde d'après qui devait avoir enfin, juré promis, retenu toutes les leçons. 

Le poison a franchi la frêle cloison de feuillage qui nous séparait miraculeusement du monde désenchanté. Le venin vient imprégner les jardins que l'espoir du printemps et nos envies d'avenir ont si délicatement fleuris. Il s'introduit sournoisement comme un mensonge, une fourberie de senteurs pourries et malfaisantes. Vous, chers amis, qui formez le cercle de la belle espérance, vous avez encore pour la rédemption cette foi des ressuscitants que je crois n'avoir jamais eue, ou si peu et si lâchement. Oh, je vous admire en cela. Mais moi, voyez-vous, j'ai quitté la race délicieuse des croyants comme on tombe un oripeau. Le monde voulu par les hommes nous mange et nous étouffe sous ses violences, ses indiscrétions poisseuses et ses obscènes grouilleries. Il n'y a plus de frontière sauvage par où gagner le grand large et la pureté intransigeante des hauteurs, par où fuir le dégoût et l'infamie. Je nous vois comme ces Indiens des Amériques dont les pères furent décimés par des cupidités effrénées, un peu fatigués certes mais surtout trop naîfs, quoique pourvus d'un bel idéal, et à qui les fumées de chamans donnent encore l'illusion de les protéger du bâton de feu et de la variole.

Ça sulfate à mort de l'autre côté du paravent. La machine qui crache cette mort en ce début de printemps a depuis longtemps renié la blancheur du matin, dévasté le réveil des abeilles et trahi le chant triomphal du coucou.

Honorius le 18 mars 2025

jeudi 20 février 2025

Je m'avise

Je m'avise qu'il est bien moins rébarbatif et moralement plus gratifiant d'observer, dans sa beauté vraie, dans sa beauté crue, la vie animale plutôt que la consternante scène humaine.

L'animal, on le sait, est dépourvu de cette malice par quoi s'élève, en écrasant tout ce qui l'entoure, l'empire sans foi ni miséricorde des hommes. De ceux-là, au hasard, vous pourrez prendre mille, vous aurez déjà plus de la moitié de gâtée. L'amour de la science et de la dialectique n'est pas ce qui se partage le mieux parmi tout ce qui se croit intelligent dans le marigot et n'est pas non plus le fort de ces âmes stériles qui mènent follement le monde à son crépuscule.

Alors, puisque rien ne peut faire pièce à l'indigente raison, je me range à la philosophie qu'il faut laisser les choses couler d'elles-mêmes, abandonner à "la puante voirie" le soin de charrier ses égouts jusque dans les profondeurs d'horreur et d'oubli. 

Je ne retiendrai du monde, pour bien mourir, que la magie de sa lumière, les échos de sa beauté et son chant d'espérance. Ma dernière pensée sera que la poésie est le rêve de la vie et de notre être d'infinité. Que notre bonheur si passager renferme des souvenirs d'éternité.

Je repenserai peut-être aussi à ces détresses que je n'ai pu secourir comme il eût fallu, comme mon cœur l'eût désespérément souhaité et qui me hantent jusque dans mon propre abandon. Je demanderai pardon. Pardon de quoi? d'être un pauvre errant et un pauvre pêcheur? Oh seulement, et c'est bien assez, d'avoir fini par baisser les bras dans l'épuisement de l'éternel combat! le combat de la pauvreté et de l'innocence, de l'être nu face à son destin d'anéantissement? Mon nom est Makoi Yosokoyi, c'est du moins le nom de ma race céleste, la race des hommes. Je dois bientôt rejoindre le fleuve d'étoiles d'où coule les semences inaudibles de la stupeur et de la déraison. Comme les roses de Baïf, ma vieillesse a accouru aussitôt que m'a jeunesse a paru. Et ainsi de toute chose. Je serai jusqu'à la fin comme ceux qui m'ont précédé, tantôt assez lâches et résignés ou bien généreusement impuissants, tantôt le coeur fier et plein de secrète douleur et, peut-être aussi, avec la reconnaissance de ceux qui se souviennent encore du paradis. Désormais, je ne crains plus les faux espoirs et les malentendus, je suis certain de mon fait, car chaque jour qui passe, après m'avoir tant fait languir, prépare doucement mon tombeau.

Honorius/ 12 février 2025

mardi 18 février 2025

L’optimisme

J'ai beaucoup d'admiration pour les personnes au tempérament optimiste, car elles reflètent la vraie facette de la vie, la seule qui vaille la peine d'être honorée. Mon ami Albert fait partie de ces personnes qui semblent mener, par leur engagement de chaque instant, un apostolat pour un monde meilleur, réenchanté de toutes ses connexions primitives et profondément heureuses. Il est l'exemple même de ce que je ne suis guère ou si imparfaitement, ou très rarement; car l'absurdité et la cruauté du monde qui nous entoure paralysent en moi toute résolution d'agir, contrairement à ceux qui y trouvent leur stimulant. En vérité, je crois servir activement la bonne cause par ma seule et stérile indignation des misères universelles, ce qui me direz-vous est tout de même un bon début dans l'élévation de la conscience morale, mais quo est mpin de ce combat utile que j'eisse soihaité mener. En effet, je fais l'expérience que la conscience que j'ai de la réalité, tout indignée qu'elle est, hélas, se résout chez moi dans une volonté sans énergie, dans un fonds de tristesse et de souffrance, de longue souffrance au point de ne plus savoir ce que je deviens. L'optimisme, parce qu'il vivifie le sentiment de l'existence, nous préserve de nombreux maux de l'âme. Il est à la fois une planche de salut moral et une sauvegarde mentale. Il est d'ailleurs plus qu'une philosophie, il est une véritable discipline. Il faut se lever le matin en disant merci à la vie pour ce nouveau jour qui nous est accordé et il ne faut retenir, au terme de chaque journée, que ce qui nous a souri et ce qui a été bon. Car, au fond, pour peu qu'on y prenne garde, il y a du sourire et de la bonté au détour de chaque ruelle, à l'occasion de chaque rencontre. Alors, soyons optimistes! C'est le mot d'ordre, le mantra auquel je voudrais désespérément m'accrocher pour croire encore en une espèce de rédemption.

Bref, travaillé par le flux de mes réflexions, je me lève ce matin avec toutes les audaces de cet optimisme dont je voudrais si ardemment m'attirer les faveurs. Je veux partir d'un bon pied, aborder cette journée dans une offrande d'allégresse, malgré le temps sinistre qui endeuille la terre.

Mais voici qu'une nouvelle ombre* s'abat sur mon soleil, de laquelle il m'aura été absolument impossible de détourner le regard. Une ombre qui me replonge dans l'enfer inexorable de la réalité et qui me laisse, qui nous laisse, encore plus désespérément seuls devant le Mal qui, chaque jour, étend ses tentacules immondes, grandit monstrueusement, qui nous déshonore et nous dévore.


*Près de Lyon. L214 révèle des vidéos abominables d'un abattoir du Rhône

L'association de défense animale L214 dévoile ce mercredi 29 janvier 2025 des images de maltraitance dans l'abattoir public Rhône Ouest, à Saint-Romain-de-Popey.

Âme sensible s’abstenir. L’association de défense animale L214  révèle ce mercredi 29 janvier 2025 des vidéos de maltraitance dans l’abattoir public Rhône Ouest, à Saint-Romain-de-Popey, près de  Lyon.

Ces images, filmées entre les mois d’octobre 2024 et janvier 2025, montrent des animaux égorgés conscients malgré l’étourdissement préalable, des vaches décapitées encore vivantes, des moutons et cochons qui voient leurs congénères se faire tuer, des animaux brutalisés lors du déchargement ou pour être dirigés vers la saignée.

18 février 2025



mercredi 12 février 2025

Au bord de l'eau




L'atmosphère des berges, de l'eau et des pays de rivière a été traitée avec une sensibilité particulière (j'allais dire une tendresse) par Jean Delpeux, qui sut en restituer la profondeur esthétique, presque onirique, grâce à une technique admirablement maîtrisée des jeux de lumière. C'est dans ces jeux magiques de l'immanence, dont l'artiste éprouve sans cesse l'alchimie, que se révèlent la part immortelle de l'être et l'âme frémissante du monde. Capter en toute chose l'éternité de l'instant, telle est la mission visionnaire du poète et pour tout dire la mission métaphysique de l'art...
En tant que Lyonnais et "gone" d'ancienne souche, la Saône et le Rhône, ont indéniablement nourri une grande part de son identité. La splendeur des berges de la Saône aux temps de l'enfance, à Saint Bernard (au moment de la déclaration de guerre en 1939 qu'il évoquait encore la veille de sa mort), puis aux temps des vacances à Thoissey, dans l'ineffable poésie des parties de pêche et de la vie heureuse en pleine lumière, toutes ces couleurs et ces senteurs d'été resplendissant ont vraissemblablement inspiré la grâce et la légèreté de sa palette.

Honorius le 29 janvier 2025

samedi 25 janvier 2025

La langue française, par l'effet d'un malheureux oubli de soi, est devenue aujourd'hui une sorte de handicap lorsqu'il s'agit de s'exprimer de manière honnête et intelligible. Hélas, il ne faut guère compter sur ceux qui portent la voix publique pour valoriser ce patrimoine vivant de nos humanités dont, après en avoir piteusement résigné le génie, ils ne reconnaissent même plus la saveur.

A titre de consolation, on lira avec profit le "Discours sur l'universalité de la langue française" prononcé en 1784 par Antoine de Rivarol devant l'Académie de Berlin. Une grande leçon de pensée et de style.


Voir aussi Joachim du Bellay: Défense et illustration de la langue française.(Edition de 1905 comprenant une notice biographique et un commentaire historique et critique de Léon Séché)


Nota:
Léon Séché, né le 3 avril 1848 à Ancenis et mort le 5 mai 1914 à Nice, est un homme de lettres français, spécialiste de la Pléiade et du romantisme, à l'origine de la Revue illustrée de Bretagne et d'Anjou.

dimanche 19 janvier 2025

Chasse dans le brouillard



Ce matin, les bruits de chasse sont venus troubler la quiétude givrée et embrumée du Mont Popey. Pourtant, le Mont Popey, comme la campagne si malmenée qui l'environne, n'abrite presque plus de biodiversité animale et je suis toujours étonné de voir autant d'obstination et de rage à traquer la moindre manifestation de vie timidement sauvage dans cette espèce de désert.
J'entends les cris furieux des veneurs, crachés comme des imprécations. J'entends les hurlements des chiens qui ressemblent à ceux des bêtes qu'on égorge et cela me rend triste. Et puis je m'interroge: comment prétendre chasser au milieu d'une telle purée de poix, épaisse comme le fog sur la Tamise. Si ce n'est pas une question pertinente, il faudra alors m' expliquer pourquoi. Déjà que par temps clair l'être pacifique que je suis nourrit de fortes raisons de s'inquiéter au bruit des défouraillements tous azimuts mais en plein brouillard mes craintes redoublent. Je m'interroge légitimement sur le risque d'un tir au jugé dans de telles conditions. A cette idée je sens une certaine crispation me saisir. Albert as-tu bien planqué les chevaux, qu'on ne les confonde pas avec des berniques ou des libellules?
Bon, les rumeurs s'atténuent et s'espacent. On dirait que les défouirailleurs, dépités et penauds, rentreront bredouilles avec leurs chiens dévotement excités à mordre et à tuer. La haine de la vie n'aura pas eu le dernier mot aujourd'hui sur le Mont Popey. Et rien que cette idée, oui rien que cette belle idée m'emplit d'une immense allégresse!


Le 19 janvier 2025

mercredi 1 janvier 2025

Est-il possible?


Je suis parvenu au dernier tiers de mon existence... 

Est-il possible d'avoir connu le grand amour sans l'avoir vécu, c'est-à-dire sans l'avoir trahi? Telle est ici la question. Ce grand amour, comme le sentiment glorieux et le sublime de la vie, ce qui est tout un, sans doute les a-t-on saisis, presque effleurés, bien plus souvent que l'on ne croit, sans l'un et l'autre les avoir pourtant possédés, ce qui, d'un point de vue métaphysique, est peut-être mieux ainsi. Vivre, voyez-vous, c'est chaque jour tuer un peu plus la vie.
Il suffirait de fouiller sa mémoire, d'en remonter le réseau enchevêtré jusqu'à retrouver, de la figure incertaine de ce grand amour, ces menues fibres précieuses, ces paillettes de poussière, qui rejaillissent peu à peu dans toute leur lumière. Oh, ce fut juste un regard échangé, un chemin croisé, une seconde en suspens, un geste inachevé, un hasard inexploité, une lueur vacillante ou fulgurante, que sais-je? On ignore souvent à quel point l'essentiel de la poésie, comme l'essentiel de la vie, est dans le non dit, le sentiment et l'intuition de l'être, plutôt que dans l'imperfection de l'acte ou du verbe accomplis. "Les vrais poèmes fuient" disait Emily Dikinson, de même, la vraie vie ne serait-elle pas celle que l'on rêve et qui sans cesse nous échappe? A moins que tout cela, comme beaucoup d'autres âneries, ne repose que sur un ridicule malentendu récusant l'audace même de toute espérance. Cependant je respecte les poètes car ils sauvent notre honneur par leur sincérité et finalement par le sens de l'absolu qu'ils emportent dans la mort.

Je me demande en disant cela si je n'ai pas résigné malgré moi le goût passionné de la vie, celui qui vous porte sans crainte comme maître du temps, de votre temps gonflé d'avenir, sans doute par l'effet naturel de quelque essoufflement d'enthousiasme ou d'énergie, enfin, quelque chose de ce genre. C'est comme si, par un effet résigné de capilarité, une humeur crépusculaire prenait peu à peu possession de mon corps et de mon àme, dans une sorte de processus d'hibernation, telle la branche que transit l'haleine cuisante de l'hiver. D'ailleurs, cela ne trompe pas, je suis parvenu au dernier tiers de mon existence presque sans m'en apercevoir, ce dernier tiers qui ne sera pas nécessairement le plus florissant mais plutôt le plus pitoyable et le plus chargé de disgrâces, c'est à craindre. Car je sens déjà en moi poindre, plus qu'une prétendue vieillesse heureuse, le remugle de la remise, du rebut, du détrancané et du vétuste.

On dit que la vie est belle. Elle l'est assurément, mais elle le serait davantage sans cette espèce d'indignité humaine qui déshonore continuellement le monde. Si j'eus jadis assez d'imagination pour rendre la vie désirable, je veux dire la vie parmi les hommes, je n'en ai plus guère aujourd'hui pour en supporter les malfaisances et les lourdeurs. Un sentiment de déjà vu, de déjà dit, de déjà rabâché, de déjà mille fois subi et souffert, me pèse affreusement chaque jour comme un étau entre les tempes. Hélas, comment invoquer sans s'y méprendre le pouvoir de la rédemption?

Je confesse m'être piqué d'une espèce de gribouillage, que, chez d'autres auteurs mieux assurés que je ne le suis, l'on nomme écriture et dans le meilleur des cas, littérature. Je n'ai d'ailleurs jamais prétendu m'y ménager ne serait ce qu'un début de romance, car ce que j'ai écrit depuis que je barbouille le papier, comme pour témoigner timidement de ma présence au monde (le sel aprés le passage de la marée, comme je me plaisais à dire) se réduit à une médiocre mélopée nombrilisante, que je n'aurai bientôt plus, si le coeur m'en dit, que la force de relire avec beaucoup de mauvaise humeur et d'insatisfaction. Cela est bien dommage, car j'aurais préféré laisser de moi, en fait d'écriture, le souvenir d'un conteur d'histoires drôles, c'est là un genre oû j'aurais pu me sentir le plus à mon aise. Que retirerai-je de l'expérience de la vie, cette lueur qui brille entre deux néants, comme disait Jean d'Ormesson? (Encore un, du reste, qui n'avait guère mieux à en dire bien qu'il y employàt beaucoup d'élégance). Voilà bien réuni dans cette babiole dialectique, (cette "kleinigkeit", comme disent les Allemands), tout le sujet de la philosophie! Je me dirai que je n'ai eu ni l'audace ni la bravoure d'exister, ce qui est bien regrettable lorsqu'on dispose de si peu de temps pour être et agir, ce qui est tout un. La question du temps perdu, de l'occasion manquée, est une constante dans la réflexion existentielle, qui, passé 50 ans, ne nous lâche plus. Non, on ne se lasse pas de la beauté du monde, comment le pourrait-on? c'est ce que cette humanité indigente en fait, jour aprés jour, qui répand dans nos coeurs la tristesse et le désespoir. On désespère toujours de trouver aucun sens à la vie, à part celui des gaîtés et des plaisirs que nous pouvons en recevoir,  mais cela n'est après tout que vaine coquetterie. La vie n'a pas de sens en soi puisque l'on en meurt. Je préfère savoir qu'elle n'a de sens que celui qu'on lui donne, par son engagement, par son amour du juste et du beau, par son empathie, enfin, par la nature et l'inspiration bénéfiques de ses actions. Ainsi, aura donné un vrai sens à sa vie celui qui aura conçu et répandu le bien, car le bien porte en lui les plus belles promesses de félicité.

J'ai appris tout au long de mon existence très ordinaire (je n'en réclame d'ailleurs pas d'autre!) que l'être humain est décidément une chose intraitable car il retient fort peu les leçons de la natute et de l'histoire. L'imperium de l'intelligence dont il se prévaut sans cesse, en animal suffisant et orgueilleux, ne jette finalement que peu de lumière sur l'accomplissement de sa destinée. Au point qu'il est apparu la chose la plus nuisible non seulement à lui-même mais à toutes les oeuvres de la Création.

La scène humaine est devenue un drame affligeant. Contrairement aux temps qui nous ont précédés, souvent durs et cruels, nous n'entrevoyons plus, même chimériquement, les horizons du bonheur et de l'espérance, qui donnaient miraculeusement la force d'exister. Pourtant, me direz-vous d'innombrables consciences s'éveillent partout dans le monde pour l'amour, la paix, la solidarité, le respect de la nature et du vivant, pour tout ce qu'il y a de meilleur en notre humanité et dans notre rapport au monde. Las, cela semble encore bien dérisoire pour contrer l'immense lame de fond qui nous pousse collectivement vers le pire car la brute stupide qui veille au coeur de notre espèce, y étouffe les lumières héroïquement acquises de l'intelligence. L'homme est sa propre aberration et surtout sa propre fatalité.

Las, j'ai beau marcher prestement vers mon occident et voir s'approcher le terme de toutes choses, je ne décolère pas contre l'absurdité du monde des humains, sans foi ni miséricorde, contre l'aveuglement, l'orgueil présomptueux, l'hypocrisie et les passions suicidaires. Je pourrais reprendre le calamus dans l'état où Horace en usa dans ses satires pour dépeindre une mentalité humaine qui n'a guère changé depuis Augustus.* Je n'ai peut-être pas été assez heureux ni assez enjoué pour pouvoir rire tout mon saoûl de toutes ces fadaises qui m'horripilent tout autant qu'elles me lassent. Malgré la bile qui me chauffe le tempérament je finirai moi aussi par lâcher prise, par glisser dans l'indolore apesanteur, pour rejoindre cette autre "cabane au Canada", bien différente de celle que je me rêvais naguère, lors que la vie s'offrait encore vaste devant moi. Je ne peux feindre d'ignorer la stricte évidence. Elle se dessine sous mes yeux, dans l'effroi d'une violente stupeur; je la vois qui s'approche, comme la vieille sorcière chaperonnée des terreurs de mon enfance, sombre et sournoise, trottant à pas menus.

Oh demain, à l'aube, le dernier verre du condamné...Dis-moi, cher Ange, comment cela fait quand on meurt? Est-ce rapide, instantané comme un couperet qui tombe, un clignement de paupière qui vous fait passer du blanc au noir, sans bavure, à travers une trape? Est-ce une sorte de songe où l'on embarque avec insouciance pour un voyage d'agrément, vers les doux rivages de Cythère ou d'autres encore bien plus lointains que nul escafignon jamais ne foula? Est-ce un de ces engourdissements qui vous entraîne dans le cours languissant d'un rêve où tout ce que vous fûtes se dérobe à votre souvenir? Est ce le long naufrage infligé à notre patience d'une chanson de Guy Béart, Dieu ait pitié de son àme?

Celui qui estime avoir accompli son oeuvre pour avoir tout extrait de soi, peut paisiblement finir ses jours, sans désir et sans tourment. C'est cela être sage, à en croire l'école des anciens maîtres.

Ah, bordel de Dieu! Mourir dans la sérénité c'est encore le meilleur destin de l'homme. Se souvenir que la vision poétique du monde nous conduit avec amour dans le mystère de la vie et de la mort. La mort, cette pensée qui se fond dans la pensée...

Honorius le 19 janvier 2025

* Je retrouve dans mes notes sur Horace la double épigramme suivante, qui sonne d'un écho étonnant d'actualité. Je ne retrouve plus aujourd'hui si on en doit la paternité à Horace lui-même ou à un autre moraliste latin, mais elle me convient ainsi parfaitement dans sa pertinence.

"Je vois partout de ces présomptueux édiles, pas plus malins que le populaire dont ils briguent les suffrages, qui, ayant pris tel goût véhément pour les délices des affaires, et de peur d'en perdre, s'indignent et vitupèrent qu'en dehors de leur prétendue précellence, tout n'est que graine de chaos, de ténèbres et de ruine.

Et que dire encore de ceux-là, toujours plus nombreux de par ce pauvre monde, ces tyrans orgueilleux qui répriment, d'une poigne féroce, la liberté de déjouer leur fausseté et leurs mensonges."



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