samedi 29 février 2020

Lueurs de l'Aube à Saint Romain de Popey

Lueurs de l'aube à Saint Romain de Popey. Vue des crêtes de Carnoux, le mardi 24 février 2020 vers 7h15. L'aube aujourd'hui a les couleurs d'un crépuscule du soir. Temps doux de germinal qui eût dû être celui des frimas, traînées rougeoyantes annonciatrices de la pluie qui tombera le lendemain. La veille, les cimes blanches des Alpes étaient visibles à l'horizon. Cette alchimie d'ombres et de couleurs évoque l'univers pictural des anciennes écoles romantique ou impressionniste, un mélange indifférencié des ciels de Courbet, Delacroix, Turner, Friedrich, avec de fortes tonalités rouges et orangées des soirs hallucinés d'incendie ou de bataille.
Réjouissons-nous de ce nouveau jour qui commence. Nous sommes encore en vie et le monde est  si beau.
Pourtant, la plupart des êtres humains n'auront pas conscience de cette chance et de cette beauté. Combien se lèveront ce matin, l'ennui ou la mort dans l'âme, à l'idée de recommencer une journée de servitude et de tracas, revivre l'histoire sans fin de leur terne destinée? Combien préféreront médire de leur prochain ou bien s'appliqueront à bousculer les autres pour être les premiers? Combien, absorbés par leurs affaires, ne songeront qu'à accumuler toujours plus de gain, accaparer toujours plus de biens, sans s'encombrer d'empathie pour autrui ou de scrupules? D'autres, la foule des indigents ou des abusés, ne s'aviseront de rien et arriveront au soir sans avoir rien vécu, rien osé, rien voulu ou rien imaginé, attendant inutilement que la vie passe ou la regardant passer, ce qui est tout un.
Et pourtant, sans qu'ils y songent un instant, chaque aube qui se lève sur terre les rapproche insensiblement de leur dernière heure.
Mais réjouissons-nous de ce nouveau jour qui commence, emplissons notre coeur de sa lumière et qu'elle rejaillisse autour de nous pour accomplir le bien.





Au loin sur la colline, la "boule" du Mont Verdun (Base aérienne), dans les Monts d'Or:


lundi 24 février 2020

COMME DON QUICHOTTE


Sénèque

Comme Don Quichotte aux approches de la mort, l’esprit humain a parfois de ces illuminations, de ces éclairs de lucidité qui le dessillent enfin, pourrait-on dire, des passions routinières et des aveuglements de l’existence. 
Hélas, il est à ce point trop tard pour espérer racheter un dernier lambeau de cette garce de vie qui court à son terme, une portion de ce temps perdu, passé naguère à ne rien voir des choses essentielles au bonheur.

dimanche 23 février 2020

APRES M'AVOIR FAIT TANT MOURIR

Depuis plus de vingt ans, je fais une espèce de carrière dans l’administration territoriale où je suis entré sans aucune illusion sur mon sort et un sourd effroi dans l’âme. 
Il fallut pourtant bien que je cédasse aux tiraillements de la nécessité, qui, passé l’heure des classes et des récréations, confisque brutalement nos romans d’aventures et évince avec un froid cynisme tous nos rêves de liberté et d’idéal. 
Franchi la porte en fer du grand pénitencier administratif, je sus que j’en avais fini avec la meilleure part de la vie et de la jeunesse. 

A Salers seuls au monde

Salers, fin septembre 2019. 
Il est 19h15, pas un chat dans la rue, nous entrons à l'auberge de la Diligence, rue du Beffroi, chez Marc Willot et son équipe.




Accueil chaleureux, bonne chère et bons fûts de cervoise.
Nous sommes heureux, cachés dans nos montagnes.




Nous sortons à 20h30. La nuit est tombée. La petite cité médiévale de Haute Auvergne est absolument déserte. Aucune lumière aux fenêtres, rien ne trahit la moindre présence humaine. Tout est désert et silencieux. Seules les façades des immeubles historiques restent étrangement illuminées dans cette solitude. Aucun bruit ne trouble l'immense quiétude. Seul le susurrement de la fontaine de la petite place centrale "Tyssandier D'Escout" déverse son chant nocturne.




Nous sommes seuls à Salers et seuls au monde.
Nous voudrions que toute la vie fût aussi belle et paisible. Alors, nous profitons du temps présent.






Nous nous fondons dans la nuit noire.




vendredi 21 février 2020

SMADEOR PANORAMIC TOUR

Voici une vue panoramique de la vallée de la Turdine prise en septembre 2019  des crêtes de Carnoux sur les hauteurs de Saint Romain de Popey.



mardi 18 février 2020

AZYA Toujours


18 février 2020
Ma chère et douce Azya, voilà tout juste six mois que tu es partie. Je repense à la belle métaphore de ton ami humain Albert qui qualifiait la mort de l'être cher comme de l'amour parti en éclaireur. Oui, en éclaireur, comme tu le faisais toujours lors de nos randonnées dans la campagne.
A vrai dire, six mois, un an, dix ans, cent ans, qu'importe! Le temps n'est rien d'autre que le moment présent, le reste, le passé, l'avenir ne sont plus que des projections, des illusions.
Mes larmes peu à peu se sont taries, mon chagrin s'est de lui-même assagi, comme le désespoir résigné de l'animal sauvage entre les barreaux de sa cage.
J'ai poursuivi mon chemin de stupeur dans le monde absurde et sans joie de l'homme. Une lassitude pesante me gagne jour après jour, me gangrène l'âme et le coeur. Chaque matin et chaque soir je plonge mon regard dans les nuées d'ennui indicible du ciel que hante la mélancolie de ton fantôme. Le sais-tu? J'ai planté sur ta tombe deux rosiers buissonnants qui fleuriront au printemps. Le sais-tu? Je n'ai pas eu le courage d'ôter ta couche et ton écuelle, qui restent là, vides et inutiles, dans l'angle de la pièce où tu reposais près de nous.
Les jours passent et nos vies passent.
Mais je sais que ta fidélité me veille à tout instant, que ton ombre  bienveillante suit chacun de mes pas, comme je sais que ma pensée et mon amour t'accompagnent sur ton long chemin de ténèbres.
Voilà tout juste six mois que tu es partie. Et puis, ai-je dit, six mois, un an, dix ans, cent ans, qu'importe, puisque nous marcherons toujours tous deux côte à côte, dans la seule vérité de notre instant présent.

samedi 15 février 2020

LA MONTAGNE SACREE (17) Plus près de Toi mon Dieu

Juillet 2015. Retour à Salers le dimanche 26 juillet. Installation chez Vantal, excellente chambre d’hôte au lieu du Moriol, route du Puy Mary, dans l’écrin verdoyant où nicha pendant plusieurs siècles l’ancien bailliage de Haute-Auvergne. 
Repas du soir à l’auberge de la Diligence, rue du Beffroi, chez Marc Willot, où nous avons pris nos habitudes depuis plus de vingt ans. Ambiance chaleureuse d’ancienne auberge du bon vieux temps, le long de sa rue pavée d’allure médiévale, très achalandée car sans doute la meilleure recommandation. La pièce principale est encadrée de rayonnages en bois verni où sont empilées quantités de bouteilles de vins et liqueurs, pots de confitures, et autres boîtes et bocaux de spécialités régionales.

LA MONTAGNE SACREE (16) L'ascension du Bois Noir

22 juillet 2014. De retour au Bois Noir, près de La Peyre del Cros sur les hauteurs de Saint Projet. Temps couvert et frais, parfait pour une ascension. Le massif du Bois Noir, jadis hanté des loups, et dont le nom perpétue comme un souvenir inquiétant de Moyen-Âge, fut loué dès le milieu du 19ème siècle par l’historien de Ribier du Chatelet comme une des positions les plus attrayantes d’Auvergne : «D’une beauté romantique et sauvage », et d’après lequel « on ne saurait exprimer la sévère majesté qu’offre l’ensemble de ces lieux reculés au fond des montagnes ».

LA MONTAGNE SACREE (15) Retour au Peuch

Juillet 2010. Retour dans les montagnes d’Auvergne, le grand calme, la pleine paix et les élans vers la pureté du cœur. 
Nous logeons dans un oustal aux murs rustiques et sombres, dans le hameau du Peuch, sur les hauteurs de Fontanges, près du Fau. Tout semble receler l'âme d'une présence stoïque, la pesanteur indicible d'une antiquité farouchement enracinée, la permanence brute et primordiale des choses: la roche massive des masures, la frondaison tutélaire des arbres, les souches noueuses affleurant sur les talus des sentiers, les sons, l'eau ruisselante, le silence même. Rien ne semble avoir dépéri de la matière originelle depuis les temps où ce vieux « villaige del Puech » était mentionné par les tabellions et scribes paroissiaux de Fontanges.  Il s’agissait alors d’un village relevant pour la justice de la seigneurie de Beauclair, dont le château se dressait dès le treizième siècle plus en aval sur un éperon rocheux dominant la vallée de l’Aspre. Toute une vie de laboureurs, de brassiers, de journaliers, de bouviers, de maréchaux, de forgerons et de manants, comme l’on disait alors, devait jadis animer ce genre de petite communauté villageoise, dont il ne reste aujourd’hui que de vagues souvenirs rapportés par d’anciennes chroniques d’anthropologie régionale. Aujourd’hui nous y trouvons, perchées au milieu de grandes prairies pentues et d’escarpements boisés, une dizaine d’habitations traditionnellement construites en pierre volcanique, quelques dépendances où l’on devine de vieilles remises, resserres, celliers, étables, porcheries ou bergeries désaffectées sommeillant près des courtils ombragés.

mercredi 12 février 2020

LA MONTAGNE SACREE (14) entre Bonnaves et la Roche

La petite route qui relie le bourg de Saint Projet au col de Légal en longeant le cours de la Bertrande, bifurque à gauche, peu avant le pont de la Persoyre, en direction du petit hameau de Bonnaves. Cet ancien domaine pastoral perché à flanc d’estive offre une perspective pittoresque sur les sommets du Puy Chavaroche. Le chemin étroit bordé de frênes et de noisetiers, décrit ensuite deux longs lacets en direction de l’éperon de La Roche. 
Au coude du second lacet, un chemin de terre file en ligne droite sous les bosquets jusqu’à l’antique grange de Lespinasse, et, plus loin, pour terminus un buron isolé, nommé la vacherie du Colombier.

LA MONTAGNE SACREE (13) Ave Maria

Le mercredi 15 août 2007 au soir, l’église de Fontanges accueillait, à l’occasion du 12ème festival itinérant de musique baroque d’Auvergne, deux musiciennes polonaises, de l’ensemble « mezza di voce », Marzena Buchwald, au clavecin, et Katerina Kowalska, soprano. 
Plusieurs lustres posés en appliques murales inondaient d’une vive lumière dorée l’allée de la nef et les chapelles latérales. Quelques projecteurs, ajoutés par la régie du spectacle, convergeaient leurs faisceaux devant l’autel ; là était placé un clavecin pour l’usage du concert, que la programmation présentait comme une réplique d’un modèle de 1646. 
Une centaine de personnes composaient l’assistance, venues de Fontanges, de Salers et de Saint Projet, principalement des estivants en villégiature dans les beaux séjours d’hôte que compte la région.

LA MONTAGNE SACREE (12) L'église de Fontanges

La petite église de Fontanges se dresse au cœur du bourg, près de la berge de l’Aspre, que borde à cet endroit une vaste pelouse arborée. 
Construite en 1468 sur les fondations d’un ancien édifice roman, cette église constitue, d’après les historiens de l’art, un des rares témoignages de l’architecture religieuse gothique de Haute-Auvergne. 
Elle semble posée-là de toute éternité, comme une excroissance basaltique dont les matériaux auraient été taillés sur place par la main de l’homme. Ses gros murs anthracite, empesés d’une sombre toiture de lauzes répondent à première vue au caractère rude et trapu des constructions montagnardes de la région.

mardi 11 février 2020

LA MONTAGNE SACREE (11) L'eau voyage vite

Il n’est rien de pittoresque comme ces vieux ponts moussus, tassés par l’âge, que l’on rencontre au hasard de nos excursions au cœur des montagnes. 
Ils contiennent cette histoire de la pierre brute arrachée au chaos du relief primitif et façonnée par la main de l’homme, et pouvant, de ce point de vue, fournir une curieuse matière à l’observation des ingénieurs et des géologues. 
Ils contiennent aussi cette histoire de l’homme, perdue dans l’obscurité des siècles, qui vécut jadis dans ces enclaves majestueuses du monde et marqua le sol des ouvrages commandés par les nécessités de l’existence.

LA MONTAGNE SACREE (10) Le temps et le silence

25 juillet 2004. Nous nous sommes une fois encore arrêtés à Restivalgues, au creux de ce havre verdoyant où Clémence fit ses premiers pas. 
Ce hameau, niché entre les deux versants de la vallée de l’Aspre, porte assurément bien son nom, qui sonne d’un air indicible de nostalgie, comme une clarine dans les estives : « Restivalgues, reste dans ta vallée ! ». 

lundi 10 février 2020

LA MONTAGNE SACREE (9) Une humanité valeureuse

Les anciennes populations mégalithiques, dans le mouvement d’une aventureuse pérégrination depuis les steppes orientales s’arrêtèrent un jour au creux de ces hautes vallées désertes et inhospitalières du massif cantalien. Elles épousèrent cette terre abrupte comme une patrie faite à leur image, libre, fière et taciturne ; elles érigèrent les premiers foyers de pierre et ces vieux murs vicinaux qui se dressent encore au bord des chemins parmi la menthe et l’herbe folle.

LA MONTAGNE SACREE (8) Restivalgues

J’écoutais cet autre paysan de Restivalgues me parler de l’art traditionnel du fauchage. Dans le coffre ouvert de sa camionnette, trônait une petite enclume, ustensile indispensable pour marteler et redresser le fil de la lame malmené par les aspérités du sol. A sa ceinture pendait un petit fourreau rigide de la forme d’une sorte de cône, rempli aux deux tiers d’eau, où trempait une pierre à aiguiser, d’aspect allongé, arrondi aux extrémités. 
Le faucheur m’expliquait que cette pierre, de couleur presque noire, provenait de Lombardie d’un colporteur italien, qu’il s’en servait depuis quarante ans, et que rien ne pouvait la remplacer tant sa matière était merveilleusement adaptée au service de l’aiguisage. Je pris entre mes mains cette pierre qu’il me montra, sombre et luisante, et lisse au toucher, extrêmement dense et dure comme du granit poli, telle qu’il n’en existe plus aujourd’hui pour cet usage, sinon dans les secrets des anciens paysans, dans les vieilles terres de tradition.

dimanche 9 février 2020

LA MONTAGNE SACREE (7) La faux

C’est dans la vallée de l’Aspre que j’ai vu les travaux de la fauchaison se pratiquer à la force antique du bras, c’est-à-dire, à la faux, ce vénérable outil ancestral. Cette technique rudimentaire, généralement disparue de maintes contrées, est restée apparemment usitée par les dernières générations de vieux paysans, dans une région où le sol accidenté et abrupt rend parfois impossible ou très périlleux le passage des engins mécanisés. 
Partout ailleurs où la machine ne peut pénétrer, la terre est laissée à la pâture du dernier bétail que l'on peut y acheminer. Et quand celui-ci ne pourra plus s'y maintenir sous la poussée des buissons et des genêts, sous le couvert épais des fougères, la terre sera abandonnée à la lente progression des forêts. Les derniers faucheurs sont aujourd'hui une exception, ils pourraient même passer comme une curiosité à l'heure des politiques de concentration et de productivisme.
A Restivalgues et à Beauclair, j’ai donc vu des hommes, des survivants du passé, faucher manuellement ces arpents de prairie dans l’herbe haute jusqu’aux genoux, sous le soleil ardent de juillet. Les mouvements réguliers de l’outil scandaient cette sorte de chuintement de la lame mordant goulûment dans le lourd fouillis végétal, profus et capiteux. Il en provenait à peine une respiration striant obstinément la calme amplitude de l’espace, faite de ces mille bruissements perpétuels de l’air et de l’eau courante. 
Il y a comme une sorte d'héroïsme désespéré à rester ainsi les derniers à combattre l'entêtement de la nature, à prétendre être encore plus entêtés qu'elle. Sur la terre qui les a vus naître, qui les a longtemps "accablés de ses grâces", comme disait Giono, ils seront aussi les derniers, brisés de fatigue,  à lui témoigner leur reconnaissance. 
Dans les montagnes sacrées où chantent les racines du ciel et de la terre, où frissonne l'âme primitive du monde, coulent les sources profondes et courent les prairies sans fin. Il est un sentier, dit-on, menant là-haut, au royaume de la vie éternelle.

Honorius/ Les Portes de Janus/ 1999

LA MONTAGNE SACREE (6) Porter sa pierre

Un vieux paysan de Restivalgues à Fontanges me rapporta que « dans le temps », les gens du « pays » avaient pour coutume de gravir une fois par an la montagne, seuls ou en groupe, chargés d’une grosse pierre qu’ils déposaient au sommet de la montagne, au terme d’une longue ascension. Il me désigna, du geste, la vague et lointaine direction du Puy Chavaroche, sur les crêtes du Fau et de Saint Projet. 
Si cette pratique a semble-t-il disparu, comme rituel social et culturel, des mœurs actuelles, il est probable que son caractère indéniablement religieux lui confère une origine très ancienne dans l’histoire locale. Elle s’apparente visiblement à ces simulations du chemin de croix et de la montée au Calvaire ; l’épreuve de l’ascension, exaspéré par le fardeau votif, se révèle également comme un processus de mortification et de purification intérieure. D’un point de vue religieux, l’homme porte le poids de ses péchés, s’en libère au terme d’un long parcours de pénitence et obtient ainsi l’allègement de sa conscience, comme une manière d’absolution. 
Mais l’épreuve de l’ascension exalte surtout la force morale de la volonté, elle a même quelque chose d'une inspiration mystique: Elle se prête à une expérience d’humilité et d’ascèse, révèle l’aspiration de l’homme au dépassement de sa condition terrestre, vers un sommet de Béatitude. car elle est le sentier d'espérance, de bonté et de pureté, elle est le pèlerinage, sublime et austère, vers l’illumination.
Il est écrit dans les premiers Livres que c’est du haut des montagnes, "in altis", que l'homme peut appréhender, hier comme aujourd'hui, la vanité de sa propre dimension, s’élever à la contemplation des mystères infinis de la Création, s'abandonner au souffle sacré de l'Esprit. C'est ainsi que le coeur simple, le coeur dépouillé, le coeur d'abandon du pélerin s'ouvre à toutes les richesses spirituelles, au sentiment du Beau et du Bien, à l'intuition d'une réalité supérieure où se résout toute la métaphysique de l'Etre.
Car une source éternelle jaillit des sommets du monde. Elle inonde notre coeur de puissance et de lumière.

Honorius /Les Portes de Janus /(mai 1999)

samedi 8 février 2020

LA MONTAGNE SACREE (5) près des crêtes de Cabrespine

Allongé dans l’herbe, près des crêtes de Cabrespine, je laisse pour ainsi dire glisser mes sens dans la perception complète et jubilatoire de l’universelle harmonie. Mon esprit se grise d’une surabondance de bien-être et des émerveillements de la beauté. L’horizon illimité poudroie dans les vapeurs de l’été comme dans un océan d’azur délavé où se fondent les silhouettes du relief gigantesque qui s’étend devant mon regard. La prairie où je me trouve immergé a la forme d’un immense glacis abrupt que balaye par intermittence, comme les lames déferlent sur le pont d’un navire, le galop sombre des nuages. Les éclats de soleil y enflamment le cours exalté des sources, éclaboussent l’air enivrant et la roche éblouie, ruissellent sur le monde en songes flamboyants de lumière. 
Ces étendues vertigineuses, dignes d’un paysage du Nouveau Monde, vivifiantes comme les élans d’une splendeur symphonique, épousent la surface agitée des massifs et leurs contorsions monstrueuses, prennent l’aspect saisissant d’une musculature saillante et puissante de mastodonte. 
Ô Divine Nature, Forces sublimes de la Création, le spectacle de votre gloire enseigne à l’homme la grandeur de l’humilité et exalte en lui ces facultés morales nécessaires au sentiment de la liberté et à l’intuition de l’Absolu. 
Et dans la paix majestueuse qui habite ces montagnes, j’entends vibrer la voix mélodieuse des clarines, cette voix pure et céleste comme un écho de l’éternelle permanence des choses. 


Au-dessus du col de Legal, Honorius/Les Portes de Janus /1999 

mercredi 5 février 2020

LA MONTAGNE SACREE (4) La gentiane

La gentiane est la plante la plus symbolique de la montagne. D’aspect rustique et coriace, elle ne se distingue pas par la rareté et la délicatesse que l’on trouve chez certaines espèces végétales d’altitude qui, frêles et éphémères, s’offrent au regard du promeneur comme une apparition et un enchantement.

LA MONTAGNE SACREE (3) Le Peuch de Fontanges

Juillet 1994 / Le Peuch de Fontanges

Nous marchions sur la route qui relie le bourg de Fontanges à celui du Fau par le versant nord de la vallée de l’Aspre, toute ruisselante de brumes après l’orage. Cette route commence son périple par une longue pente abrupte, que l’on nomme ici la côte rouge, et qui après maintes contorsions en lacets serrés à travers la montagne, finit par se hisser sur la ligne de crête. Fine comme une couleuvre, elle serpente à travers la lande déserte couverte de bruyères, se fond dans l’ombre des haies de chênes, ressurgit dans la lumière des genêts et de l’été en fleurs. De cette hauteur, la vue plonge sur les versants opposés, couverts de vastes étendues de forêts et de pâturages. Là paissent ces bovidés de la fameuse race de Salers, que l’on a accoutumé de décrire comme portant « belle robe couleur acajou et cornes en forme de lyre ». Dans l’immobilité de l’éloignement, ces aumailles semblent parfois à s’y méprendre des rochers bruns saillant dans les estives. Cette route, jadis un chemin de terre pour carrioles et muletiers, dessert quelques hameaux et écarts très isolés répondant aux toponymes pittoresques de Chaumont, Ribouzou, Le Vernet, Vieilleresse, la Croze, Beauclair, Lajarrige, Lestiradie, le Meynial.

LA MONTAGNE SACREE (2) La vallée de l'Aspre

La vallée de l’Aspre est une de ces hautes vallées creusées par un ancien glacier, à l’ouest du massif du Cantal, d’où elles rayonnent en réseau chaotique à partir du Puy Mary. C’est de la sédimentation issue de l’ancienne activité volcanique, éteinte depuis plusieurs millions d’années, que proviennent les lauzes et les roches basaltiques qui fournirent jadis les matériaux de gros œuvre des constructions du terroir et qui confèrent à l’habitat traditionnel de Haute Auvergne cet aspect rude, massif et austère encore si caractéristique.

LA MONTAGNE SACREE (1) L'origine

Mon père se plaisait souvent à évoquer ses origines auvergnates, des origines farouchement terriennes, auxquelles il semblait davantage attaché, à fort juste titre, qu’à toute autre futile prétention. 
L’histoire de notre famille, qui, comme disait Montaigne, « a coulé sans éclat et sans tumulte », plonge en effet ses racines dans le cœur du Cantal, ce pays des anciens Arvernes, aux montagnes sauvages et mystérieuses, où la rudesse de l’existence rendait jadis les hommes forts comme le roc, solides comme le chêne, d’une veine dont on tirait assurément les intrépides et les braves. 

dimanche 2 février 2020

LA BRUTE ET L'ENFANT

Saint-Romain-de-Popey, dimanche 2 février 2020 à 15h30.
Je me trouve dans le pré de ma jument, qui longe la rocade de la Gare (Je dis la rocade, car cette petite route a perdu depuis longtemps son caractère de voie rurale pour devenir une artère de transit). J'aperçois deux silhouettes de cyclistes monter en direction du centre bourg, le premier un adulte, le second un enfant qui pourrait être âgé d'environ huit à dix ans, peut-être même moins, à en juger par le son de sa voix, très aiguë et frêle, qui parvient jusqu'à moi. Il semble suivre l'adulte avec beaucoup de courage, à peiner sur cette voie abrupte d'autant que de nombreux véhicules les frôlent sans cesse à toute allure. Ce n'est pas la première fois que je m'étonne de constater l'irresponsabilité dont font preuve certains adultes à entraîner des enfants dans une situation aussi dangereuse. J'ai d'ailleurs toujours été étonné, de manière plus générale, de constater la prédilection qu'ont souvent les cyclistes de rouler sur les voies à grande circulation, au milieu du brouhaha, des camions, de la pollution et des risques énormes auxquels ils exposent leur sécurité, alors qu'il semblerait tellement plus agréable d'emprunter paisiblement les petites voies secondaires au coeur riant de la campagne (ou ce qu'il en reste, raison de plus de ne pas bouder ce plaisir).

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