mercredi 5 février 2020

LA MONTAGNE SACREE (2) La vallée de l'Aspre

La vallée de l’Aspre est une de ces hautes vallées creusées par un ancien glacier, à l’ouest du massif du Cantal, d’où elles rayonnent en réseau chaotique à partir du Puy Mary. C’est de la sédimentation issue de l’ancienne activité volcanique, éteinte depuis plusieurs millions d’années, que proviennent les lauzes et les roches basaltiques qui fournirent jadis les matériaux de gros œuvre des constructions du terroir et qui confèrent à l’habitat traditionnel de Haute Auvergne cet aspect rude, massif et austère encore si caractéristique.
La vallée de l’Aspre, une des plus belles du haut pays d’Auvergne, comme le rapportaient déjà les voyageurs du 19ème siècle, s’ouvre, en aval, à partir de Fontanges, au confluent de la vallée de la Maronne. D’abord bordée de larges prairies à la hauteur du Clédar, elle traverse le village de Fontanges, qui fut le berceau d’une des plus anciennes familles chevaleresques de cette vieille province, puis se rétrécit à travers les défilés de Cuzol et de Seilhols où l’on pouvait encore apercevoir au début du 20ème siècle les restes aujourd’hui disparus du château médiéval de Beauclair. La vallée se prolonge en contre-bas du col Saint George jusqu’aux hameaux de la Bastide et de la Peyre del Cros, situés aux confins du Bois Noir et des pentes du Puy Chavaroche et de Roche Taillade, culminant respectivement à 1739 m et 1650 m d’altitude. C’est au cœur de ces versants agrestes que l’Aspre prend sa source. 
L’ensemble du site offre un spectacle des plus sublimes, de ceux qui purifient le coeur et grandissent l’âme, un océan dressé de roches tumultueuses, battu de prairies sauvages et de forêts profondes, les saltus du moyen-âge, qu’illuminent dans leurs splendeurs secrètes des symphonies de torrents, de ruisseaux et de cascades. 
D’ailleurs, une des premières impressions qui vous saisit au sein de cette grandiose retraite, est le bruit ambiant de l’eau courante, qui semble à l’oreille comme le battement d’une pluie perpétuelle. Sur les plateaux environnants qu’entourent, comme des remparts de géants, les cols et les crêtes du massif (Col de Legal, le Roc des Ombres, le Puy Violent, le Puy Chavaroche etc.) s’étendent d’immenses pâturages à perte de vue, « les prairies infinies du ciel », qu’habite à la belle saison la rassérénante musique des clarines. 
De temps à autre, perdue dans l’immensité, on aperçoit une de ces cabanes de pierres sèches aux allures de campement néolithique, appelées burons, et qui abritaient jadis le long séjour des pâtres pendant la saison de l’estive. 
Ici, la nature semble telle qu’on l’aurait laissée à un âge héroïque. L’alliance inaltérable de l’eau, de la pierre et du végétal, encore préservée, pour combien de temps, des souillures et des scandales de la modernité, a conservé la permanence d’un enchantement primitif, qui est celui de l’éternelle beauté sauvage et de l’âme du monde. 
Toute chose, dans sa physionomie originelle et apparemment immuable, repose dans la paix et la vertigineuse solitude des montagnes ; la présence de l’homme n’y est plus qu’un atome éphémère, un grain d’humilité absorbé dans l’espace infini. 

Honorius "Les Portes de Janus" 1999

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