dimanche 9 février 2020

LA MONTAGNE SACREE (6) Porter sa pierre

Un vieux paysan de Restivalgues à Fontanges me rapporta que « dans le temps », les gens du « pays » avaient pour coutume de gravir une fois par an la montagne, seuls ou en groupe, chargés d’une grosse pierre qu’ils déposaient au sommet de la montagne, au terme d’une longue ascension. Il me désigna, du geste, la vague et lointaine direction du Puy Chavaroche, sur les crêtes du Fau et de Saint Projet. 
Si cette pratique a semble-t-il disparu, comme rituel social et culturel, des mœurs actuelles, il est probable que son caractère indéniablement religieux lui confère une origine très ancienne dans l’histoire locale. Elle s’apparente visiblement à ces simulations du chemin de croix et de la montée au Calvaire ; l’épreuve de l’ascension, exaspéré par le fardeau votif, se révèle également comme un processus de mortification et de purification intérieure. D’un point de vue religieux, l’homme porte le poids de ses péchés, s’en libère au terme d’un long parcours de pénitence et obtient ainsi l’allègement de sa conscience, comme une manière d’absolution. 
Mais l’épreuve de l’ascension exalte surtout la force morale de la volonté, elle a même quelque chose d'une inspiration mystique: Elle se prête à une expérience d’humilité et d’ascèse, révèle l’aspiration de l’homme au dépassement de sa condition terrestre, vers un sommet de Béatitude. car elle est le sentier d'espérance, de bonté et de pureté, elle est le pèlerinage, sublime et austère, vers l’illumination.
Il est écrit dans les premiers Livres que c’est du haut des montagnes, "in altis", que l'homme peut appréhender, hier comme aujourd'hui, la vanité de sa propre dimension, s’élever à la contemplation des mystères infinis de la Création, s'abandonner au souffle sacré de l'Esprit. C'est ainsi que le coeur simple, le coeur dépouillé, le coeur d'abandon du pélerin s'ouvre à toutes les richesses spirituelles, au sentiment du Beau et du Bien, à l'intuition d'une réalité supérieure où se résout toute la métaphysique de l'Etre.
Car une source éternelle jaillit des sommets du monde. Elle inonde notre coeur de puissance et de lumière.

Honorius /Les Portes de Janus /(mai 1999)

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